28 avril 2021
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Charles Ramond, « « Le sens d'un texte est toujours dans un autre texte » -Sur quelques points de traduction de l'Éthique de Spinoza », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.ebxu9l
Je rassemble et articule dans ce texte, en m'appuyant sur l'exemple des traductions de "l'Ethique de Spinoza", et notamment de la récente traduction par Pierre-François MOREAU, un certain nombre de propositions que je défends depuis plusieurs décennies sur les rapports entre philosophie, interprétation et traduction. D'abord, l'identité de nature entre philosophie, interprétation et traduction, par la mise en évidence d'un écart insurmontable entre un texte et son sens qui ne peut être que "dans un autre texte". Ensuite, la dimension "circulaire" de toute traduction, dans une boucle entre le cercle traduit et le texte traduisant. J'évoque ensuite les exigences contraires des contraintes du sens et des contraintes de l'usage. Je défends ensuite la possibilité et même la nécessité de traduire (ou d'interpréter), malgré toutes ces difficultés, et montre les impasses théoriques du refus de traduire ("Dasein" par Martineau, "Imperium" par Pautrat). Je rassemble toutes ces thèses en analysant de près la définition de "Dieu" en "Ethique 1" (déf.6) : je mets en évidence que tous les traducteurs en français, sans exception, rendent le même adjectif "infinitus" dans cette définition, tantôt par "infini", tantôt par "une infinité de" : un choix à la fois légitime et embarrassant lorsque Spinoza reprend cette définition de Dieu en Ethique 2 prop. 1 démonstration, où les traducteurs modifient généralement (sans le dire) la traduction qu'ils avaient proposé en E1déf6. Cet exemple a à mes yeux la valeur d'une légitimation de la thèse selon laquelle il n'y a aucune différence entre traduire et interpréter (il n'existe donc pas de traduction sans interprétation), et également de légitimation de ma lecture du spinozisme selon le couple "qualité / quantité".