The interstitial field of piquetero leaders. Sociology of a group of social welfare intermediaries Le champ interstitiel des dirigeants piqueteros. Sociologie d’un groupe d’intermédiaires de l’aide sociale En Fr

Résumé En Fr

Community organizations acting as street-level-bureaucrats were studied through the role and mediation of agents who, in specific local contexts, facilitate or constrain the access of beneficiaries to basic public services. Based on the case of the piqueteros leaders, in charge of social benefits in Argentina, this article aims to understand the genesis and the dynamics of a category of social assistance intermediary at the crossroads between several fields (the political field, the State, the economic field, the popular classes) through the notion of interstitial field. The articulation of both qualitative and quantitative treatments, and of a factorial analysis of multiple correspondences of the political intermediaries of social assistance shows that the legitimacy of the latter rests on a whole long-term social properties and militant resources marked by knowledge of the workings of the state and working-class neighborhoods. They thus occupy a paradoxical position: if this intermediation enabled them to consolidate their initial militant capitals by placing them at the head of vague bodies capable of politically mobilizing fractions of the popular classes, the leaders find themselves in some way captives of this position that they must preserve at all costs in order to continue to obtain political opportunities outside the piquetero space. This explains why the attempts of leaders to enter the official political arena often end in failure or do not go beyond more or less brief passages. The interweaving of partisan, militant and entrepreneurial logics specific to this field also highlights the reconfigurations of the Argentine political field from the 2010s with the entry of these new actors who became supporters of the new rights. Finally, the field theory implemented here confirms that we cannot limit ourselves to ideological issues alone or to a few singular trajectories in the analysis of groups of social assistance intermediaries.

Les organisations communautaires faisant office de street-level-bureaucrats ont été étudiées à travers le rôle et le travail de médiation d’agents qui, dans des contextes locaux spécifiques, facilitent ou contraignent l’accès des bénéficiaires à des services publics de première nécessité. À partir du cas des dirigeants piqueteros, en charge des prestations sociales en Argentine, cet article se propose d’appréhender la genèse et la dynamique d’une catégorie d’intermédiaire de l’aide sociale au carrefour entre plusieurs champs (le champ politique, l’État, le champ économique, les classes populaires) à travers la notion de champ interstitiel. L’articulation de traitements à la fois qualitatifs et quantitatifs, et d’une analyse factorielle des correspondances multiples des intermédiaires politiques de l’aide sociale montre que la légitimité de ces dernier.es repose sur un ensemble de propriétés sociales et de ressources militantes de longue durée marquées par la connaissance des rouages de l’État et des quartiers populaires. Elles et ils occupent ainsi une position paradoxale : si cette intermédiation leur a permis de consolider leurs capitaux militants initiaux en les plaçant à la tête d’instances floues en mesure de mobiliser politiquement des fractions des classes populaires, les dirigeant∙es se retrouvent en quelque sorte captives et captifs de ce poste qu’elles et ils doivent à tout prix préserver pour continuer à se procurer des opportunités politiques en dehors de l’espace piquetero. Cela explique pourquoi les tentatives des dirigeant∙es pour s’insérer dans le champ politique officiel se soldent souvent par des échecs ou bien ne vont pas au-delà de passages plus ou moins brefs. L’entrelacement des logiques partisanes, militantes et entrepreneuriales propres à ce champ met également en évidence les reconfigurations du champ politique argentin à partir des années 2010 avec l’entrée de ces nouveaux acteurs que sont les partisan∙es des nouvelles droites. Enfin, la théorie des champs mise en œuvre ici confirme que l’on ne peut s’en tenir aux seuls enjeux idéologiques ni à quelques trajectoires singulières dans l’analyse des groupes des intermédiaires de l’aide sociale.