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Clément Gautier, « Regards croisés sur le Spitzberg : Léonie d'Aunet et Xavier Marmier de La Recherche à l'écriture », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.fmad17
Si l’archipel du Svalbard, situé entre 74° et 81° de latitude nord, fait intemporellement partie du Nord du Nord, son degré de nordicité semble avoir été plus élevé dans la première moitié du XIXe siècle qu’aujourd’hui. Durant cette période, située à la fin de ce que certains géologues appellent le « Petit Âge Glaciaire », l’île principale, le Spitzberg, est considérée comme inexplorable en raison de son relief, et l’archipel apparaît aux yeux du grand public français comme « le pays le plus au nord de l’hémisphère septentrional. » Au cours de l'été 1839, le navire français d'investigation scientifique La Recherche fait voile vers le Svalbard. A son bord, Léonie D'Aunet et Xavier Marmier, auxquels cet unique et commun séjour dans l’archipel inspirera deux récits de voyage (Voyage d’une femme au Spitzberg (1854) pour Léonie d’Aunet et Lettres sur le Nord (1840) chez Xavier Marmier) et un roman (Les Fiancés du Spitzberg (1858) de Marmier). Le croisement des œuvres de ces auteurs ayant parcouru les mêmes lieux aux mêmes moments fait apparaître des écarts monumentaux, que l’on s’intéresse à leurs formes ou aux images du Nord du Nord véhiculées. Ces différences ne sont explicables en partie que si l’on considère Léonie d’Aunet en tant qu’auteur féminin et Xavier Marmier en tant qu’auteur masculin. Nous ne proposons pas ici une étude des psychologies féminines et masculines dans leurs rapports au Nord, mais l’analyse des contraintes sociales qui pèsent sur l’écriture viatique du Nord du Nord par Léonie d’Aunet, et les moyens employés pour les surmonter. Nous verrons que sans prétendre à la légitimité en tant qu’auteur de récit de voyage, elle parvient à dresser d’elle-même le portrait d’une grande voyageuse en exploitant notamment le topos d’un Nord du Nord hostile aux femmes.