2022
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Catherine Géry, « J'ECRIS, DONC JE SUIS… L'ECRITURE FEMININE DE SOI DANS LA RUSSIE DU XIX E SIECLE », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.fpzsmc
Les ego-documents féminins rédigés sur la période allant des années 1760 aux années 1840 constituent une masse de matériaux dont nous ne connaissons toujours pas le volume exact et dont nous n’avons pas mis à jour toute la complexité. Les femmes autobiographes, qui accédaient à la littérature sans accéder à la publication, ont écrit, au moins jusqu’au milieu du XIXe siècle, pour un public de lecteurs resté à l’état de latence ou de potentialité, si l’on ne prend pas en compte le cercle privé auquel leurs écrits étaient initialement destinés. La publication tardive de ces textes (pour la plupart pas avant le XXe siècle), mais aussi leur incontestable modernité (ils anticipent la littérature masculine de la conscience de soi et de l’autoanalyse en Russie) font que leurs autrices ont, d’une certaine façon, participé en leur temps à l’invention d’un lectorat à venir. Afin d’interroger la possibilité d’une nouvelle écriture historique des « futurs du passé » (Boucheron, Koselleck) en l’appliquant à l’histoire littéraire russe vue du côté des femmes, l’article met en regard plusieurs ego-documents (ceux de Natalia Dolgoroukaïa, Ekaterina Kvachnina-Samarina, Natalia Golitsyna, Ekaterina Chakhovskaïa, Maria Volkonskaïa) dont l’apport pour l’histoire de l’autobiographie en Russie a été annulé en raison d’une publication et d’une réception différées. Il analyse les résonnances entre des textes qui n’ont pourtant que peu ou pas circulé en dehors de la sphère familiale. Quand paraissent les mémoires de Nadejda Dourova en 1836, celle-ci ne peut se revendiquer d’aucun modèle russe de genre (gender) et de genre littéraire, et La Demoiselle cavalier. Une aventure en Russie est la première autobiographie féminine russe qui présente une conjonction entre expérience vécue, production littéraire, publication et réception.