2020
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Gaston Godard, « Histoire d'une mystification : La découverte de glaucophane à l'île de Groix en 1883 », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.gaz99c
À la fin du XIX e siècle, la glaucophane est considéré comme une rareté minéralogique. En 1883 et 1884, le géologue armoricain Charles Barrois décrivit les premières glaucophanites découvertes en France à l'île de Groix. Cependant, des lettres et notes inédites du comte François de Limur, un archéologue et minéralogiste amateur de Vannes (Morbihan), le désignent comme le véritable découvreur de cette occurence. Le 8 octobre 1883, Limur soumet à Ferdinand Fouqué, alors président de la Société minéralogique de France, une note accompagnée d'échantillons et intitulée « La glaucophane en gisement dans le Morbihan », que Fouqué évite de publier dans le bulletin de la Société. En octobre et novembre 1883, Limur fait part à Fouqué de nouvelles investigations sur la glaucophane de Groix, qu'il mentionne dans son Catalogue raisonné des minéraux du Morbihan, publié en décembre. Limur correspondait avec des pétrographes allemands, Zirkel de Leipzig, von Sandberger de Würzburg et von Lasaulx de Bonn. Il avait notamment fourni en 1879 des échantillons de roches de Bretagne à Zirkel qui en avait confié l'étude à un étudiant américain, Charles Whitman Cross, futur coauteur de la norme CIPW. À l'automne 1883, Limur soumet sa découverte à Zirkel et von Lasaulx qui étudient le minéral au microscope polarisant et confirment sa similitude avec la glaucophane de Syros. Dans le même temps, Charles Barrois travaillait aux levers de la feuille Lorient de la carte géologique à 1/80 000, qui inclut l'île de Groix. En décembre 1883, deux mois après que François Limur lui a fait part de sa découverte, Fouqué présente à l'Académie des sciences et à la Société minéralogique de France deux notes sur les glaucophanites de Groix rédigées par son ancien élève Charles Barrois, qui publiera en 1884 la première étude pétrographique détaillée de ces roches. Fouqué a manifestement écarté Limur pour favoriser Barrois. Ayant souffert de la faim lors du siège de Paris de 1870-1871, il réprouvait certainement la coopération entre Limur et les pétrographes allemands. Fervent républicain, il méprisait par ailleurs les notables qui, comme le comte de Limur, s'étaient compromis avec le régime déchu de Napoléon III. Il savait enfin que Limur ne maîtrisait pas la nouvelle technique du microscope polarisant, au contraire de Barrois qui réalisa une étude pétrographique de ces roches d'une grande qualité. Dans ses publications, Barrois occulte le rôle de François de Limur et suggère avoir observé les glaucophanites de Groix avant février 1883, ce que ses écrits d'alors ne confirment pas. Dans sa Minéralogie de la France, Alfred Lacroix, le gendre de Ferdinand Fouqué, attribue à François de Limur la découverte des glaucophanites de Groix. Aujourd'hui, il est juste d'adopter cette opinion, tout en notant que Bréon avait déjà observé la glaucophane dans les sables marins de Groix en 1880. Pour réparer, s'il se peut, l'injustice dont François de Limur fut victime, nous publions ici une partie de ses manuscrits relatifs à la glaucophane de Groix.