6 décembre 2019
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Léna Masson, « Le mode de gestion d'une industrie à risques, ses évolutions et ses effets Le cas de la maintenance sous-traitée des Centres Nucléaires de Production d'Électricité d'EDF », HAL-SHS : droit et gestion, ID : 10670/1.gj3229
Réalisée dans le cadre d’une convention CIFRE, cette thèse étudie les évolutions des systèmesde gestion intra et inter-organisationnels d’une organisation à risques, ainsi que leurs effets surle niveau local principalement sur les relations et les situations de travail lors des opérations demaintenance sous-traitées.Éclairées par les travaux de recherche portant sur les organisations à risques, la sous-traitanceet les processus de régulation, ces analyses articulent les niveaux macro (l’entreprise dans soncontexte), méso (la Division Production de l’entreprise et ses dispositifs de gestion) et micro(les sites de production, les relations et les situations de travail).Reposant sur l’utilisation d’une méthodologie « ancrée » et « opportuniste », la rechercheempirique mobilise de nombreuses données issues d’entretiens, d’observations, et dedocuments internes.Le contexte socio-économique, le néo-libéralisme (s’incarnant ici dans le New PublicManagement et l’externalisation), le changement de statut de l’entreprise étudiée, sa situationfinancière dégradée, ainsi que la surveillance d’une agence extérieure, pèsent sur les choix dela Division Production, contribuant à faire évoluer son mode de gestion. Accroissement de lacentralisation, de la standardisation, du recours à la sous-traitance pour les opérations demaintenance, de la contractualisation, de la mise en concurrence des acteurs, des contrôles baséssur de multiples indicateurs, ainsi qu’un important renouvellement générationnel sont lesprincipales évolutions de cette organisation centrée sur la sécurité industrielle et la maîtrise deses coûts.Au niveau local, les choix réalisés par la Division Production, traduits dans l’évolution desdispositifs de gestion intra-organisationnels, produisent divers effets, comme l’érosion descompétences techniques des agents de l’entreprise, ou encore des cloisonnementsinterprofessionnels pouvant entraver la coordination efficace des activités sous-traitées. Uneforte coopération avec les sous-traitants est également rendue plus difficile par le risque de délitde marchandage – qui limite les relations entre les agents de l’entreprise donneuse d’ordre etles opérateurs sous-traitants – ainsi que par la complexité bureaucratique qui ralentit lacirculation de l’information. Ces difficultés s’intensifient alors que les pressions sur les duréeset les coûts que vivent les entreprises sous-traitantes et les agents du donneur d’ordres’accentuent, et que des sanctions financières – accompagnant les erreurs sur les chantiers –sont plus régulièrement appliquées, affaiblissant la confiance inter-organisationnelle.Les relations que les sites entretiennent avec les sous-traitants, différentes selon le site mais deplus en plus dépendantes des orientations du niveau national, affectent les comportements desacteurs sous-traitants et la façon dont ils réalisent le travail, contribuant tantôt à rapprocher leréel du prescrit, tantôt à l’en éloigner. Les opérateurs sous-traitants qui rencontrent de nombreuxaléas, peuvent difficilement contribuer aux aménagements nécessaires dans la conception desactivités (complexes et strictement programmées) qu’ils réalisent malgré l’existence d’unsystème de retour d’expérience. Ils tendent à développer des comportements de retrait atténuéspar une culture de professionnalisme et de sécurité partagée par tous les acteurs permettant defaire face aux aléas.Les déconnexions horizontales et verticales, couplées à une pression temporelle et financièreaccrue, forment ainsi un système de contraintes produisant des effets sur les situations et lesrelations de travail. Le sommet stratégique, qui promeut partenariats et simplification, tente d’en juguler les conséquences sans pouvoir renoncer aux logiques institutionnelles qui lestructurent.Améliorer et compléter les dispositifs de co-régulation constitue l’une des voies quifavoriseraient la conciliation des exigences contradictoires de performance économique, destrict respect des procédures de sécurité et d’autonomie des collectifs de travail.