19 novembre 2018
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Marie Salgues, « Traduire Scribe pour représenter Isabelle II d'Espagne : le travestissement à l'œuvre », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.h9xox7
En 1848, une maison d'édition madrilène publie La ley sálica, traduction de La Loi salique, pièce de théâtre de Scribe "arrangée pour la scène espagnole", comme dit le sous-titre, par un traducteur connu de l'époque, Ramón de Valladares y Saavedra. La pièce se déroule à Copenhague et raconte l'histoire d'une jeune femme qui a été obligée de se faire passer pour un homme afin de pouvoir hériter, le moment venu, de la couronne qui lui revenait. C'est aujourd'hui le jour de son anniversaire, elle sera majeure et on lui remet pour cela une lettre de son défunt père qui explique pourquoi il a, toute sa vie, menti sur le sexe de son enfant et obligé à sa fille à poursuivre cette mascarade. Parallèlement, des membres de sa famille complotent pour faire abolir la loi salique et que la tante du jeune "roi" puisse être proclamée à sa place. Quand le vote est passé, la jeune femme révèle la vérité, monte sur le trône et déclare son amour au capitaine des gardes. L'année de publication (1848, une année difficile pour l'institution monarchique en Europe), le fait que règne alors en Espagne Isabelle II, dont la couronne n'a été assurée qu'à l'issue d'une guerre civile de 7 ans entre ses partisans et ceux de son oncle autour de la question de la légitimité qu'il fallait donner à la loi salique, tout cela rend particulièrement pertinente l'étude de cette œuvre et de ce que le traducteur prétend lui faire jouer comme rôle sur l'échiquier politique. Outre les enjeux politiques forts du moment, la pièce s'inscrit également dans une double tradition théâtrale : celle de la traduction/adaptation massive des pièces françaises, d'une part, et celle de la difficile représentation de la royauté sur scène, encadrée par de multiples interdits. C'est au croisement de ces différents enjeux, que s'écrit la représentation d'Isabelle II, immédiatement associée au personnage de Scribe par le public espagnol, une image qui se nourrit aussi des autres représentations de l'époque et qui pose les questions de sa réélaboration par la traduction et de sa réception