12 septembre 2019
Pierre Le Bot, « « ‘Ce maudit pays des Îles’ : l’expédition du marquis d’Antin (1740-1741) » », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.htf5yy
Je me suis efforcé dans cette contribution d’expliquer les raisons du fiasco par lequel s’acheva la tentative d’intervention navale de la France dans la guerre dite de l’Oreille de Jenkins, qui opposa l’Espagne et la Grande-Bretagne de 1739 à 1742. Venus séparément de Brest et de Toulon, une vingtaine de vaisseaux et de frégates se rassemblèrent au cours de l’automne 1740 à la cale Saint-Louis, sur la côte sud de Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti), d’où ils auraient dû attaquer, sans déclaration de guerre, l’île de la Jamaïque et l’escadre britannique qui s’y trouvait mouillée. Pourtant, rien de tel ne se produisit, l’escadre française demeurant au mouillage avant de repartir pour l’Europe à la fin de l’hiver 1741, non sans avoir attiré dans la région de puissantes forces de terre et de mer britanniques, face auxquelles les Espagnols, qu’il s’agissait pourtant de soutenir, se trouvèrent dès lors dangereusement exposés. Outre les contretemps habituels en pareil cas à cette époque, cet épisode met en lumière les contraintes auxquelles se heurtait alors toute « projection de force » vers la mer des Caraïbes, c’est-à-dire sur un théâtre d’opérations dont on connaissait encore mal les réalités en Europe : paraissent notamment avoir été sous-estimées à Versailles la durée, pour le moins aléatoires, des traversées transatlantiques à l’âge de la voile, de même que la faiblesse des ressources matérielles et humaines disponibles sur place, sans oublier la vulnérabilité des organismes aux effets du climat et des maladies tropicales.