2023
Cairn
Ludovic Joxe et al., « Les limites de la mansuétude. Analyse du traitement de la faute dans une organisation humanitaire internationale », Sociologies pratiques, ID : 10670/1.hxrc5r
Au sein du secteur humanitaire, voué à l’allègement de la souffrance d’autrui, comment caractériser une faute et infliger une sanction potentiellement douloureuse ? Comment juger, c’est-à-dire considérer que chacun est responsable de ses actes, dans un milieu fondé sur le fait que les inégalités sociales sont en partie dues à des déterminismes sociaux ? Dans quelle mesure la tolérance à la déviance y est-elle exacerbée et la condamnation atténuée, voire éliminée ? Où situer les frontières de l’acceptable ? Pour répondre à ces questions, nous nous intéressons à une organisation du secteur humanitaire, Médecins sans frontières ( msf), et nous nous appuyons sur des situations issues de la trentaine de missions que les auteurs de cet article ont, à eux deux, réalisées à travers le monde pour msf depuis 2010, et sur un corpus de matériel ethnographique recueilli entre 2014 et 2016. De ces éléments, il ressort que le traitement de la faute chez msf mène à une première mansuétude, au cœur même du principe de justice d’un collectif, la mansuétude rationnelle, fruit d’un calcul bénéfice/risque visant la protection du groupe. Cette première mansuétude est doublée d’une autre, davantage spécifique au secteur humanitaire, la mansuétude compassionnelle, préservant cette fois-ci l’individu. Nous montrons alors que, chez msf, la mansuétude s’efface et qu’une faute est néanmoins caractérisée lorsqu’un intérêt particulier prévaut sur l’intérêt collectif.