Justice transitionnelle

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2024

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Sciences Po

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Sandrine Lefranc, « Justice transitionnelle », Archive ouverte de Sciences Po (SPIRE), ID : 10670/1.ip74ib


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L'Amérique latine peut se targuer d'avoir beaucoup fait pour la justice transitionnelle. L'expression désigne cette expertise qui, forgée dans les années 1980, répond partout dans le monde aux situations de sortie de violence politique en combinant vérité, réparations aux victimes, initiatives de « réconciliation » et jugements judiciaires. Des universitaires latinoaméricains ont participé à ses premières formulations, puis à sa redéfinition dans des sens parfois contraires ; les gouvernements du sous-continent lui ont donné des formes institutionnelles durables ; elle y est devenue un objet de débat public permanent. L'Amérique latine est pour ces raisons considérée comme « un exceptionnel site d'innovation en matière de justice transitionnelle » [González-Ocantos, 2020, p. 62]. Cette histoire en deux « vagues »-l'impunité étant suivie de sa correctiondoit laisser la place à un examen plus nuancé, d'une part, des réappropriations dont la notion fait l'objet, d'autre part, du caractère inabouti des retours critiques sur le passé. Titre de niveau 2] Vague 1 : le compromis La justice transitionnelle fait l'objet d'un récit téléologique qui, forgé par des groupes d'acteurs divers, a été largement entériné par la littérature scientifique [Lefranc, 2022]. Il y est question d'un mouvement affectant l'ensemble des pays du sous-continent, voire du monde, et tendant à l'établissement de démocraties libérales [Huntington, 1991]. Après une « vague » de démocratisations contraintes par la puissance résiduelle des dictateurs et imposant par conséquent une justice « dans la mesure du possible », selon les mots du président chilien Aylwin, une deuxième « vague » a permis, selon les experts, l'affirmation d'un principe de lutte contre l'impunité des auteurs de violences politiques. Formulée conjointement par des hommes politiques, des universitaires et des militants des droits humains modérés, la justice transitionnelle a d'abord proposé une politique adaptée au compromis entre régimes autoritaires et gouvernements démocratiques. Dans les années 1980, dans le contexte de la fin de la Guerre froide et de l'effritement de l'appui des États-Unis aux gouvernements anti-communistes, une « vague » de démocratisationle mot est celui de Huntingtona emporté le sous-continent. La puissance résiduelle des juntes militaires, aussi bien que les continuités des systèmes judiciaires avec les dictatures, ont favorisé la clémence à l'égard des auteurs de violences politiques. Des amnisties générales ont été adoptées ou confirmées, des poursuites sélectives ont, plus rarement, été organisées, comme dans le cas du procès des juntes militaires en Argentine en 1985, tandis que les agents des États criminels sont pour l'essentiel restés en place. Ce compromis a été légitimé dans le même temps par la diffusion d'une conception « transitologique » des démocraties, qui valorisait le rôle d'élites raisonnables, soucieuses de rendre possible la « consolidation » de démocraties adossées à des ordres sociaux inégalitaires [O'Donnell et al., 1991]. C'est dans cet esprit de compromis qu'ont travaillé les commissions de vérité, institutions qui confient pour un temps court, à des personnes de bonne réputation, l'écriture de l'histoire récente, la reconnaissance des victimes et la formulation d'une politique de réconciliation. De nombreux pays ont eu recours à ce dispositif au moins une fois depuis les années 1980 (l'Argentine, le Chili, le Salvador, le Guatemala, le Pérou, la Bolivie et le Brésil).

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