Résister à l’État en conjoncture critique ? Le confinement du printemps 2020 dans un village rural et montagnard

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Le confinement du printemps 2020 donne l’opportunité de questionner les rapports à l’État des différents groupes sociaux, les ressorts de leurs résistances et conformations à la puissance publique, dans une conjoncture de crise. Prenant appui sur la poursuite en situation d’une enquête ethnographique entamée en 2013, cet article analyse les usages sociaux de l’État, c’est-à-dire les pratiques des différentes institutions et politiques publiques, que font les groupes peuplant un village rural et montagnard dans cette séquence. Dans cette conjoncture d’étatisation accrue, les rapports au politique et à l’institution électorale des habitants des différents milieux sociaux s’inscrivent dans la continuité de leurs préférences antérieures. La politique de confinement fait l’objet de critiques collectives exacerbées, d’une transgression généralisée au sein de ce territoire isolé comme, à l’extérieur, de pratiques de conformation sans croyance face aux forces de l’ordre. Si la défiance et les résistances aux composantes politiques et coercitives de l’État sont sur ce territoire exacerbées par la situation, les différents groupes sociaux continuent concomitamment de prendre appui de manière inégalitaire sur les institutions distributives de l’État social et se conforment assez largement à la politique scolaire à distance. L’étude relationnelle des rapports des gouvernés aux différentes institutions composant l’État suggère finalement, complémentairement aux représentations et discours publics, l’importance des dimensions pratiques dans l’étude sociologique de la légitimation légale-rationnelle.

The lockdown of spring 2020 provides an opportunity to investigate the relationship of different social groups to the State, the sources of their resistance and conformity to public power, in a context of crisis. Based on the continuation of an ethnographic study begun in 2013, this article analyzes the social uses of the State (the practices of the different institutions and public policies), that groups living in a rural and mountain village make under these circumstances. In this situation of expanded statehood, the relationship between politics as well as electoral institutions and individuals of different social backgrounds can be seen in a continuity with pre-existing preferences. The policy of containment is the object of exacerbated collective criticism, of a generalized transgression within this isolated territory as well as, outside of it, of non-compliance with the forces of order. While distrust and resistance to the political and coercive components of the State were exacerbated in this territory by the crisis, the different social groups concomitantly continue to rely unequally on the distributive institutions of the social State and largely conform to previous political modes of behaviour, at least when observed from a distance. A closer relational study of how the governed interact with different State institutions finally shows the importance of practical dimensions in the sociological study of legal-rational legitimation, in addition to public representations and discourses.