23 mai 2019
Frédéric Sprogis, « Le Cothurne d'Alecton : la fureur dans la tragédie française (1553-1653) », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.ixr5zf
À partir du geste de Jodelle, qui fait de sa Cléopâtre une furieuse en 1553, la tragédie des XVIe et XVIIe siècles n’a eu de cesse de reprendre le motif de la fureur qui engage tout l’ethos des personnages dans un risque de destruction intime, de dérèglement intérieur, d’emportement passionnel. Cette thèse se propose de questionner l’intérêt que les dramaturges tragiques ont trouvé à la fureur pour la conserver malgré toutes les évolutions et les transformations du genre, de la Cléopâtre captive jusqu’en 1653, date de l’échec de Pertharite. La fureur, au cœur de l’écriture tragique plutôt que de sa théorie, nous permet d’envisager une forme d’unité de ces cent ans de tragédies dans la pratique même du genre. Le travail constant du motif furieux par les auteurs éclaire ainsi la manière dont ils envisagent la représentation des passions exacerbées de la Renaissance jusqu’à la tragédie galante. Nous explorerons d’abord le cœur de l’élaboration complexe du motif, hérité de l’Antiquité mais recréé par l’écriture dramatique. Nous pourrons montrer, ensuite, que la fureur permet de relire notre large corpus pour faire émerger de nouvelles influences dramatiques et comprendre comment chacun des auteurs intègre le motif à son écriture spécifique – ou, au contraire, le refuse. Dès lors, il sera possible d’analyser les enjeux théoriques de la fureur tragique dont le contenu « vide » permet d’engager librement des questionnements esthétiques, éthiques et politiques. Enfin, c’est à la représentation problématique de la fureur que nous nous attacherons : la dimension spectaculaire du motif, dès ses origines, impose d’interroger ses modes d’expression. Comment les auteurs, puis les comédiens, parviennent-ils à faire entendre et faire voir au public la déraison incontrôlable grâce à l’écriture poétique et scénique ?