Comment les processus de civilisation se sont-ils prolongés ? : De la « seconde nature » à la « troisième nature »

Résumé Fr En

Cette contribution se concentre sur les processus de civilisation au 20e siècle, en partant de l’analyse des livres de manières dans quatre pays occidentaux depuis 1890. Elle s’articule à l’étude de Norbert Elias en décrivant comment, sur une phase de longue durée de formalisation des manières et de « disciplinarisation » des personnes, les émotions « dangereuses » telles que celles relatives à la violence physique (y compris sexuelle) en vinrent à être contrôlées de façon de plus en plus automatique. Ainsi, une seconde nature ou un type de personnalité dominée par sa conscience devint dominant. Le 20e siècle céda la place à une informalisation des manières et à une émancipation des émotions : des émotions qui ont été niées et réprimées re(deviennent) conscientes et sont plus largement acceptées selon les codes sociaux. Pourtant, ce n’est qu’après les années 1950 que les standards d’autocontrôle permettent de plus en plus aux individus d’admettre qu’eux-mêmes et les autres puissent avoir des émotions « dangereuses » sans provoquer de honte, en particulier celle liée à la peur de perdre son contrôle et de perdre la face. À tel point qu’il est devenu « naturel » de percevoir les tractions et poussées à la fois de la « première nature » et de la « seconde nature » : une « troisième nature » de personnalité s’est ainsi développée.

This contribution focuses on civilizing processes in the 20th century from an analysis of manners books in four Western countries since 1890. It connects to Norbert Elias’s study by first describing how, in a long-term phase of formalizing manners and disciplining people, “dangerous” emotions such as those related to physical (including sexual) violence came to be controlled in increasingly automatic ways. Thus, a second-nature or conscience-dominated type of personality became dominant. The 20th century gave way to an informalization of manners and an emancipation of emotions: emotions that had been denied and repressed (re)gained access to consciousness and wider acceptance in social codes. Yet it was only after the 1950s that standards of self-control increasingly enabled people to admit to themselves and to others to have “dangerous” emotions without provoking shame, particularly the shame-fear of losing control and face. To the extent that it has become “natural” to perceive the pulls and pushes of both “first nature” and “second nature”, a “third nature” type of personality has been developing.

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Sur les mêmes disciplines

Exporter en