2015
Cairn
Didier Mineur, « La délibération préalable à la décision majoritaire : justification substantielle ou procédurale ? », Raisons politiques, ID : 10670/1.jfyuyb
Les défenseurs d’une conception substantielle de la démocratie s’emploient à établir la vertu épistémique de la décision à la majorité, soit sa capacité à produire des décisions justes ou sages. Pour nombre d’entre eux, c’est le fait que le vote ait été précédé par une délibération qui donne à son résultat de bonnes chances d’être correct. Cet argument se heurte pourtant à une objection forte : il n’existe aucun critère indépendant de la rationalité permettant de vérifier la qualité substantielle de la délibération et de la décision majoritaire qui la conclut. L’ambition épistémique de la discussion ne saurait donc correspondre à la poursuite de la vérité, mais seulement à la recherche d’un accord. La règle de majorité, quant à elle, ne peut se justifier que comme procédure équitable de décision lorsque l’accord, précisément, ne se produit pas. Dès lors, si la délibération préalable accroît la légitimité de la décision à la majorité, ce n’est donc pas parce que la décision majoritaire obtenue à l’issue d’une discussion doit être considérée comme étant objectivement plus raisonnable que l’avis de la minorité, mais parce que, sur fond de désaccord, elle a donné à chacun la possibilité de convaincre les autres et de réaliser l’accord autour de son point de vue.