2013
Cairn
Julia Kristeva, « Traduire la douleur, ou le langage comme contre-dépresseur », Figures de la psychanalyse, ID : 10670/1.k6n8q0
Que nous révèle la parole déprimée ou dépressive ? Le langage peut-il être un « antidépresseur », au sens de pouvoir traverser, voire déconstruire la bipolarité elle-même ? Deux repères théoriques introduisent à cette problématique : la distinction que l’auteur fait, suite à Lacan mais différemment, entre Chose et Objet ; sa conception du langage non comme une « structure » mais comme un processus de « signifiance », articulant deux modalités : le sémiotique et le symbolique. À partir d’une vignette clinique, l’analyste accède à l’affect dépressif en entendant le rythme et la mélodie mélancolique (le sens sémiotique), puis la haine et l’agressivité non formulés dans la structure phrastique syntaxique (la signification symbolique) : « au bord des mots, mais au sein de la voix », interprète-t-elle d’abord, avant de décomposer l’unité lexicale en un syntagme inconscient, dans lequel se dissimule le désir refoulé de la patiente déprimée, son trauma infantile et sa plainte d’être stérile ( « tortionnaire : torse-io/je-naître/pas naître »). Cette micro-analyse conduit le transfert/contretransfert dans le registre du narcissisme et de l’identification primaire. Elle éclaire, pour finir, le rôle de l’interprétation comme traduction des affects et humeurs et, au-delà, le sens intrapsychique de la traduction de l’innommable dans la culture européenne.