2009
Cairn
Vincent Carraud, « Qui est le moi ? », Les Études philosophiques, ID : 10670/1.lvm0gz
Qui est le moi ?Lorsqu’elle apparaît au milieu du XVIIe siècle, l’expression « le moi » vise-t-elle un phénomène nouveau ou son sens est-il réductible aux concepts anciens que sont l’âme, l’esprit, le sujet, l’individu, la personne, etc. ? Si les faits de la langue philosophique sont gouvernés par des décisions philosophiques, le moi doit se distinguer de ces concepts. Notre hypothèse est que le rapport ambivalent que le Dasein entretient avec l’ ego cartésien peut nous éclairer sur cette distinction. D’une part, en effet, l’ ego n’est pas le Dasein, en ce que, se pensant lui-même selon la Vorhandenheit, il reste aveugle au phénomène du monde : de ce point de vue l’ ego n’est, dans l’histoire de l’ontologie, qu’un exemple parmi d’autres, tous disqualifiés. D’autre part, le Dasein peut se reconnaître dans l’ ego, ne fût-ce qu’au titre de la mienneté : mais cette reconnaissance tourne court, dès lors que l’ ego est interrogé, comme tous les étants intramondains, avec la question quid ? et non pas avec la question quis ?, de laquelle seule part l’analytique existentiale. Or, même si, dans les Meditationes, la première question en vient à se substituer subrepticement à la seconde, c’est bien en demandant quis sum ? que l’ ego s’interroge initialement lui-même : le déploiement de cette question suffit à distinguer radicalement le moi de l’âme, la conscience, l’individu, etc. – même si l’incapacité de l’ ego à saisir son mode d’être comme être-au-monde exclut de voir dans la pertinence de la question initiale plus qu’une indication de la constitution ontologique du Dasein. Il appartiendra en revanche à la description pascalienne de l’existence humaine d’anticiper l’analyse heideggérienne de l’être-au-monde impropre du Dasein.