12 décembre 2022
http://creativecommons.org/licenses/by/
Anne Baillot et al., « Vers une robotique du traduire », HAL-SHS : linguistique, ID : 10670/1.m1cauo
L’apparition sur la toile en 2017 de nouveaux services de traduction automatique neuronale reposant sur des algorithmes d’intelligence artificielle comme DeepL et Google Translate correspond à un nouveau bond en avant en matière de traduction automatique. Ces systèmes récents, comme les systèmes de la génération précédente de traduction automatique statistique et de traduction automatique statistique factorisée, fonctionnent à partir de grands corpus alignés et produisent des résultats dont la qualité est pour certains comparable à certaines traductions humaines. Il s’ensuit que pour produire une valeur ajoutée, le traducteur doit apporter un plus par rapport à la machine. Ce plus peut être inhérent à certains domaines où l’emploi de la machine n’a en soi guère d’intérêt du fait de la dimension essentiellement esthétique de la traduction : c’est le cas des traductions littéraires qui, si de nombreux travaux de traductologie universitaire y prennent appui, ne représentent qu’une petite partie de l’activité de traduction professionnelle existante. Comme de surcroît la machine permet des gains de productivité de l’ordre de 150 à 200% (certains traducteurs atteignent des rendements de 6000 à 8000 mots par jour), la technique de la post-édition tend à s’imposer de plus en plus dans les industries de la langue, ce que confirme en 2017 la sortie de la norme ISO 18587 (Services de traduction — Post-édition d'un texte résultant d'une traduction automatique — Exigences). Cette technique de post-édition pose un cas de conscience au traducteur : accepter de ne pas être à l’origine de sa propre traduction au profit de la machine. L’intelligence artificielle est en train de changer le monde et le rapport que les humains entretiennent avec le travail et concerne les traducteurs au premier chef. La traduction humaine ou biotraduction est-elle en voie d’extinction ? Cette publication dresse un état des lieux provisoire de la question du rôle de l’humain dans l’activité traduisante. En effet, le développement fulgurant de l’intelligence artificielle oblige non seulement les traducteurs professionnels à s’adapter, mais aussi les formations en traduction ainsi que la recherche afférente. Les approches mises en dialogue dans le cadre de cette publication convoquent donc autant l’informatique que la linguistique, la traductologie, la traduction et la didactique des langues.