2021
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Piero Simeone Colla, « Une « école du bonheur » en Suède ? Reflets médiatiques d’une utopie, entre projections et fantasmes », HAL-SHS : sociologie, ID : 10.4000/nordiques.2795
L’article se penche sur la manière dont la topique du « bonheur à l’école » a dominé, à partir dumilieu du XXe siècle, le regard français sur le système d’enseignement suédois et une prétendueculture suédoise du rapport à l’enfance. En s’inscrivant dans une histoire sociale du transfertculturel, l’auteur interroge en parallèle l’action déployée par les pourvoyeurs et par lesrécepteurs d’un paradigme moral. Les corpus interrogés sont les reportages et flashesd’information que la télévision française a consacrés à la situation en Suède à partir desannées 1960 et les fonds documentaires des appareils suédois de diplomatie culturelle qui onttout à la fois nourri et orienté idéologiquement le message des médias. Au cours des années 1960,le reportage sur l’école suédoise s’est établi comme un genre narratif en soi, animé par des lieux(le laboratoire de mécanique, la cuisine), des enjeux récurrents (la place de l’éducation sexuelledans les curricula) et un questionnement de fond : la question de savoir si la réorganisation del’enseignement autour des nécessités psychologiques et sociales des enfants a bénéficié à leurépanouissement intérieur, à leur « bonheur ». Dans l’ombre de mai 68, cette problématique sefond avec l’agenda de la présidence Pompidou – alors qu’elle permet aux autorités (scolaires etdiplomatiques) suédoises de présenter leurs projets les plus récents sous les dehors d’une utopieprête à l’exportation : une école moderne et flexible pour la société post-industrielle. L’analyse dela programmation plus récente – dans un paysage médiatique bien plus diversifié – atteste de laténacité de l’investissement utopique de l’école suédoise, mais aussi, à partir de 2012, duretournement du mythe vers son opposé, avec un jeu de miroirs entre les attentes déçues desobservateurs français et les échos des classements internationaux des prestations des élèves, quiont assimilé l’évolution libérale du système scolaire suédois à la trahison de ses anciennespromesses égalitaires.