31 janvier 2021
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Lucien Jaume, « L’idée de démocratie autoritaire : Quelques réflexions », Archive ouverte de Sciences Po (SPIRE), ID : 10670/1.m8uhhj
Le concept de démocratie autoritaire peut paraître contradictoire ; il est illustré par la pensée de Tocqueville, qui montre que la démocratie (pouvoir souverain du peuple) n’est pas en soi une garantie de liberté, mais aussi par l’Histoire : la démocratie athénienne a produit nombre de traits autoritaires (surveillance, dénonciation comme vertu politique, pressions multiples sur chaque individu en Assemblée, etc.). L’équation est bien connue : dans la démocratie représentative, « le peuple est souverain mais ne gouverne pas », la critique apparaît aussi bien chez Bossuet ou chez Guizot, pour contester ce traitement du concept de souveraineté. De là naît le problème de l’identité entre gouvernants et gouvernés, source d’une aspiration fallacieuse mais toujours renaissante. Plus cette identité est réclamée, plus le caractère autoritaire du pouvoir risque de se légitimer. La démocratie autoritaire veut « débarrasser la démocratie » des corps intermédiaires et des contrepoids au pouvoir, pour que l’on acclame l’identité désirée. Quant au système totalitaire, il prétend avoir fait passer le peuple entier dans le pouvoir et voit dans le jugement individuel l’ennemi qu’il a le plus à craindre. Les tendances autoritaires ne sont donc pas externes à la démocratie devenant ivre de puissance, et exaltant les masses ; les limitations constitutionnalistes sont du côté des remèdes, si l’éducation des citoyens sait leur apprendre que représentation n’est pas identification : le peuple ne se gouverne lui-même que par son Autre, reconnu comme tel. Pour le dire en philosophie, la liberté naît de l’altérité et meurt de la pulsion spéculaire.