2020
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info:eu-repo/semantics/altIdentifier/doi/10.48611/isbn.978-2-406-11521-2.p.0043
Franck Cormerais et al., « L’en-deçà de l’Anthropocène, le Capitalocène », HAL-SHS : sciences de l'information, de la communication et des bibliothèques, ID : 10.48611/isbn.978-2-406-11521-2.p.0043
Depuis quelques années déjà la perspective ouverte par les études digitales, autour d’un nouveau paradigme de la connaissance, tente justement de revenir sur le grand partage (Nature/Artefact), en tant qu’analyse de la production des êtres humains et de leurs institutions sociales à travers la technique, ainsi que celle des diverses manières d’être des hommes, générées par les différentes techniques. Les travaux dans la perspective des études digitales rassemblent des discours scientifiques, philosophiques, économiques, mais aussi écologiques. Au carrefour d’une théorie critique réinventée par les sciences sociales, la psychologie sociale, la sociologie des médias et l’anthropologie culturelle, les études digitales visent à devenir une troisième culture comprise, à l’époque du net, comme une synthèse des Sciences, des Arts et des Humanités, en se penchant sur « cette matrice commune dans laquelle se fabriquent et s’éprouvent l’ordre social, l’ordre naturel et l’ordre technique ».Le contenu du numéro de la revue et l’objet de cet article consistent à s’inscrire dans cette brèche, afin d’explorer les différentes acceptions et implications du concept de Capitalocène, dans un contexte où le paradigme digital tend à s’ériger comme le maître d’œuvre des transformations des sociétés, des économies et de l’environnement planétaire. Cette proposition ne cherche pas à s’ériger en nouvel évolutionnisme, non plus qu’à imposer un déterminisme qui ferait d’un concept historiquement construit la règle d’organisation absolue des structures économiques, sociales et environnementales. A l’inverse, ce concept interroge davantage qu’il ne prétend résoudre, l’énigme des dysfonctionnements de l’activité et des externalités négatives sur son environnement. Il s’affirme comme un questionnement critique sur les liens entre économie et écologie, en remettant en cause les analyses économiques qui intègrent l’écologie dans des arbitrages et des calculs d’opportunité, dont le marché des droits à polluer constitue une illustration. Mais il cherche également à dépasser les approches quelquefois un peu simplistes qui font du principe polysémique de décroissance l’enjeu d’une forme d’écologie politique. Le Capitalocène incarne bien plutôt la cristallisation des rapports de forces économiques autour de la captation des ressources naturelles et des capacités humaines et sociales, avec pour enjeu ce que Félix Guattari avait appelé l’extraction d’une « plus-value machinique », expression dont le sens n’a rien perdu de son actualité.