Répondre des rêves: A propos de "A l'est des rêves" de Nastassja Martin

Résumé En

"A l’est des rêves", le troisième livre de l’anthropologue Nastassja Martin auprès du peuple even du Kamtchatka, mêle savoirs et affects, récits littéraires et chapitres théoriques. Comment cette écriture hybride, inscrite dans la tradition de l’ethnologie française, éclaire-t-elle un objet difficilement saisissable, les rêves, pourtant au cœur de l’organisation sociale et politique des even ? Et comment ces rêves induisent-ils une connaissance sensible qui nous invite à dépasser la conception occidentale et naturaliste du savoir instituée à l’époque moderne ? La nuit, les Even font des rêves projectifs, ils ont des visions animiques qui les renseignent plus finement sur leur milieu de vie et leur permettent de mieux s’y adapter. L’interprétation de ces rêves, auparavant réservée au chamane, est désormais accessible à tout un chacun, instaurant ainsi une démocratie onirique. L’auteure suggère ensuite une analyse, que nous aimerions approfondir, en mettant en relation les rêves even avec ceux d’une époque antérieure à la rupture naturaliste : le Moyen-Age. Plusieurs historiens et anthropologues ont, en effet, rapproché les visions extérieures de certains collectifs autochtones, notamment sibériens, avec les songes qui émaillent des récits de la vie de clercs ou de saints mais aussi la littérature profane médiévale. Ces rêves et leur interprétation dessinent aussi un message politique et imaginent d’autres rapports sociaux.