2016
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Valentin Taveau et al., « La voix des saints ? La nouvelle image de la rééducation des jeunes "délinquants". Analyse des journaux et des écrits des établissements d'éducation surveillée en France et au Québec de 1945 à 1970 », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.o5no10
A partir du milieu des années 1940, en France et au Québec, les gouvernements adoptent une législation en faveur de la protection et de l’éducation des enfants « en danger moral et physique », jugés « inadaptés » ou condamnés comme « délinquants ». Ces lois, plus que des ruptures dans les conceptions et pratiques relatives à l’enfance « irrégulière », sont de véritables témoins des changements politiques, économiques, culturels et sociaux qui affectent les sociétés occidentales d’après-guerre.Les institutions publiques et privées en charge de l’éducation et de la réhabilitation des mineurs de justice ne sont pas épargnées par ces mutations de tout ordre. Responsables de jeunes garçons et de jeunes filles condamnés par la justice et ce depuis le milieu du XIXe siècle, les « maisons de correction » ou « écoles de réforme » sont vivement remises en causes dans l’entre-deux-guerres, période durant laquelle les droits de l’enfant sont proclamés et où des campagnes de presse dénoncent les conditions de vie des jeunes dans ces « bagnes pour enfants ». Les États revoient leur législation tandis que les institutions sont réformées afin de s’adapter à de nouvelles exigences plus protectrices et éducatives envers la jeunesse.Dans ce mouvement de structuration de l’intervention sociale auprès de la jeunesse « irrégulière », plusieurs voix s’expriment à travers des revues sur l’éducation des « irréguliers ». Quelques institutions d’éducation publient également leur propre journal dans un souci de transparence et de promotion de leur politique rééducative. En France et au Québec, deux institutions très importantes et ancrées depuis 1873 dans le paysage des établissements de corrections pour mineurs délinquants éditent à partir de 1945 un journal : l’institution publique d’éducation surveillée Saint-Maurice, dans le Loir-et-Cher, et l’institut privé des Frères de la Charité du Mont-Saint-Antoine, à Montréal. Saint-Maurice, établissement réformé dès 1938, publie mensuellement Espère, journal des « gars de Saint-Maurice », de 1945 à 1970. Les jeunes « délinquants » décrivent alors leur vie dans les groupes, leur apprentissage, leurs pratiques des loisirs et sportives. Ils témoignent aussi des événements mensuels survenus à l’institution. La voix des jeunes s’expriment alors. Les Frères de la Charité publient également au Mont- Saint-Antoine un journal, Le petit courrier puis le courrier du Mont-Saint-Antoine, dans lequel ils présentent leur établissement, la vie des jeunes « garçons catholiques » dans les groupes et ateliers, les événements et soutiens dont ils bénéficient. Les religieux donnent leur opinion sur la délinquance et la rééducation en se basant sur leur longue expérience auprès de l’enfance«malheureuse». Les deux journaux sont les voix d’expression officielle des institutions : l’une y associe ses jeunes tandis que l’autre tend à y démontrer son expertise et son efficience. Dans les deux cas, les journaux dressent un nouveau portrait des institutions d’éducation surveillée. Ce travail cherche à démontrer en quoi les journaux institutionnels témoignent-ils de l’inscription de leur établissement dans une nouvelle voie de la rééducation, à l’étude croisée des sources sur Saint-Maurice et le Mont-Saint-Antoine, de 1945 à 1970.