Les contestations de la transition agroécologique : peut-on parler d’agribashing en France ?

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François Allard-Huver, « Les contestations de la transition agroécologique : peut-on parler d’agribashing en France ? », HAL-SHS : sciences de l'information, de la communication et des bibliothèques, ID : 10670/1.o7fixg


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En octobre 2019, le ministère français de l’Intérieur a annoncé la création d’ungroupe de travail intitulé « Déméter » confiée à la gendarmerie. Selon ChristopheCastaner, ministère de l’Intérieur de l’époque, la « cellule Déméter » est une réponseà l’agribashing (en anglais dans le texte), la défiance et l’hostilité contre les agricul-teurs français (Ministère de l’Intérieur 2019). Créée sous la pression des deux prin-cipaux syndicats agricoles, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles(FNSEA) et les Jeunes agriculteurs (JA), les missions de cette « cellule » sont d’aiderles agriculteurs contre les vols, détecter de nouvelles menaces, favoriser la réponsejudiciaire mais aussi, de manière plus controversée, prévenir et suivre « les actions àcaractère idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrementde l’environnement agricole ou d’actions brutales aux répercussions matérielles ou phy-siques » (Gendarmerie nationale 2019). Le groupe de travail nouvellement créé travailleégalement en coordination avec dix « observatoires de l’agribashing » régionaux quidoivent évaluer la nature de « la stigmatisation des activités agricoles et d’élevage etde la vente des produits de cette filière » (Département Seine-Maritime 2020).En effet, ces dernières années, des demandes sociétales de plus en plus fortes sontformulées envers le monde agricole pour l’amener vers un modèle agricole plus res-pectueux de l’environnement et en phase avec les enjeux de la transition écologique :arrêtés municipaux en faveur de zones non traitées, volonté gouvernementale d’interdirecertains pesticides de synthèse comme le glyphosate ou les néonicotinoïdes ou encoreChapitre rédigé par François ALLARD-HUVER.Exemplaire réservé à François Allard-Huver26 Transitions en tensionlois sur le bien-être animal. Si le monde agricole n’ignore pas ces injonctions à changerde modèle, d’autres préoccupations viennent télescoper ces enjeux, qu’elles soientéconomiques, comme la diminution importante du nombre d’agriculteurs et l’éro-sion de leurs rémunérations (Chardon et al. 2020 ; Delame 2021) ou psychosociales,comme un taux de suicide plus élevé que la population générale (MSA 2020 ; AFPet Le Monde 2021). Estimant leurs efforts suffisants en matière de santé et d’envi-ronnement (Le Hesran 2020), certains acteurs du monde agricole semblent en proieà un malaise croissant et au sentiment d’un dénigrement constant qui culminera avec lacampagne nationale de la FNSEA et des JA : « France, veux-tu encore de tes paysans ? »(FNSEA 2019). Un sentiment paradoxal dans la mesure où la plupart des étudesd’opinion montrent non seulement l’attachement et la confiance des consommateursfrançais envers les « petits producteurs » et les « agriculteurs » en général (ANIA etTNS-Sofres 2013 ; FrenchFood Capital 2018), tout comme leur volonté à les accom-pagner – en payant plus cher – vers des modèles plus raisonnés et assurant l’indé-pendance alimentaire de la France (BVA et Crédit Agricole 2021 ; IFOP et Ouest-France 2022). Dès lors, dans un contexte d’affrontement idéologique sur les modèlesde la transition agricole, le concept d’agribashing fait polémique.Dans ce chapitre, nous questionnons la médiatisation et la circulation du conceptd’agribashing et les enjeux sémiopolitiques de son utilisation par une partie des acteursdu monde agricole dans un contexte de transition écologique et agricole. Plus préci-sément, nous interrogeons, en premier lieu, la manière dont le concept d’agribashinga émergé et s’est érigé en véritable « formule » (Krieg-Planque 2009 ; Simon 2015)servant la défense d’un certain modèle agricole, puis nous observons la médiatisationet la circulation de ce terme, pour questionner, en dernier lieu, en quoi il semble servirà disqualifier les acteurs de la société civile portant un discours critique sur l’agri-culture intensive et promouvant la transition écologique. Notre corpus s’appuie surl’étude de la presse quotidienne (n = 121) et régionale (n = 1 356) entre janvier 2018et octobre 2021, tout comme sur l’analyse sémiopolitique des discours d’accompa-gnement de l’agribashing et des formes matérielles de leur inscription dans la sphèrepublique : rapports, documents officiels et supports de communication produits dansle cadre de la mise en place de « Déméter ».Ainsi, dans la lignée des questionnements posés en sciences de l’information etde la communication sur les enjeux de la communication environnementale tout commesur la complexité croissante des discours ayant trait aux changements de modèles(Bernard 2018 ; Catellani et al. 2018), parler d’agribashing revient-il à inscrire lesdiscours sur le changement de modèle agricole et la transition agricole dans un re-gistre comminatoire et agonistique ? La polémique sur les discours critiques et lesactions de la société civile à l’encontre d’une partie du monde agricole traduisent-elles des visions de la transition écologique qui s’opposent et que rien ne semblepouvoir réconcilier ?

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