“Je (ne) dirai (pas)”. D’Oukalégôn à ἀλέγω : penser l’apotropaïsme linguistique en Grèce ancienne

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2021

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Magali Année, « “Je (ne) dirai (pas)”. D’Oukalégôn à ἀλέγω : penser l’apotropaïsme linguistique en Grèce ancienne », L'Homme, ID : 10670/1.oiidds


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Le verbe grec ἀλέγω est une ancienne forme poétique, qu’on trouve chez Homère et les poètes ultérieurs, presque exclusivement employée à la forme négative : οὐκ ἀλέγω (généralement traduit par « je ne me soucie pas »). Le dossier complexe de l’histoire de sa signification et de sa formation a été repris en détail par Claire Le Feuvre , qui propose de le rattacher (ainsi que les composés adjectivaux en -ηλεγής) au groupe d’ἄλγος / ἀλεγεινός exprimant l’idée de « souffrance », et d’expliquer son sens unanimement admis « se soucier de, tenir compte de » par une réanalyse interne au texte homérique et la « conséquence d’un rapprochement paronymique » avec le verbe λέγω, « dire, rendre compte ». De nouveaux arguments issus de l’onomastique et de la tradition narrative iconographique permettent au contraire d’étayer une autre hypothèse en faveur d’une authentique origine langagière de la forme ἀλέγω, directement liée au verbe λέγω par la resyllabation d’une ancienne expression de discours, *οὐκ ἄ[ν] λέγω / *οὐ κα λέγω. À l’appui d’une méthode anthropologique, soucieuse de (ré)appliquer à une linguistique philologique la notion francisée d’« émique », il est possible de déceler une forme d’apotropaïsme linguistique, dont la trace fossilisée nous a été conservée par l’anthroponyme Oukalégôn. Bien loin d’un parangon d’indifférence à l’égard du monde qui l’entoure, le recoupement des analyses philologiques et iconographiques montrent que le porteur de ce nom était le représentant d’une ancienne parole auto-préventive.

The Greek verb ἀλέγω is an ancient poetic form, found in Homer and later poets, almost exclusively used in the negative form: οὐκ ἀλέγω (usually tanslated as « I don’t care »). The overall complex history of its meaning and formation has been taken up in fine-grain detail by Claire Le Feuvre, who suggests linking it (as well as the adjective compounds in -ηλεγής) to the group of ἄλγος / ἀλεγεινός expressing the idea of « suffering ». She explains its universally accepted meaning, « to care about, to take into account », based on the way the Homeric text reanalysed it and made it the « consequence of a paronymic parallel » with the verb λέγω, « to say, report ». In contrast, new arguments from the onomastics and iconographic (visual) narrative tradition support the new hypothesis in favour of an authentic discursive origin of the form ἀλέγω, directly linked to the verb λέγω by the misdivision of an old expression of speech, *οὐκ ἄ[ν] λέγω / *οὐ κα λέγω. Thanks to an anthropological method concerned with (re)applying the Gallicised notion of « emique » to philological linguistics, it is possible to detect a form of linguistic apotropaism whose fossilised trace has been preserved for us by the anthroponym Oukalegon. Far from being a paragon of indifference towards the world around him, the cross-checking of philological and iconographic analyses shows him to be the representative of an ancient self-preventive speech.

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