23 décembre 2020
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Pierre Larcher, « Le fā’ al-sababiyya vu par Raḍī l-Dīn al-Astarābāḏī : logique et pragmatique », HAL-SHS : linguistique, ID : 10.1163/15700585-12341571
Pour le grammairien Raḍī l-Dīn al-Astarābāḏī (m. après 688/1289), le fā’ al-sababiyya (« causal ») constitue une intersection entre deux des trois fā’ distingués par la grammaire arabe : le fā’ d’apodose (fā’ al-ǧawab ou al-ǧazā’), apparaissant entre protase et apodose d’un système conditionnel (in p fa-q) et systèmes assimilés, c’est-à-dire circonstancielles et relatives ayant une valeur conditionnelle, et le fā’ coordonnant deux phrases (p fa-q). Dans les deux cas, fa- présente q comme la conséquence de p, qui en est la cause. La relation de cause à conséquence est à entendre ici au sens large de la logique naturelle et non au sens strict de l’implication logique, q pouvant ne pas être une affirmation. Mais Raḍī l-Dīn al-Astarābāḏī neutralise aussitôt le sens du fa- « causal », en observant qu’on peut convertir (‘aks) p fa-q (p donc q) en q fa-p (q car p). Et il va plus loin dans le même sens, en reliant le fā’ dit explétif au fā’ causal. Ce fā’ est ainsi appelé parce qu’il peut apparaître ou non, soit après une subordonnée ciconstancielle, sans valeur conditionnelle, ou un simple complément circonstanciel, soit entre le thème et le propos d’une phrase nominale, le thème pouvant être une relative non conditionnelle ou un simple syntagme nominal. Pour Raḍī l-Dīn al-Astarābāḏī, ce fā’ signale que ce qui le suit est aussi « inséparable » (luzūm) de ce qui le précède que l’apodose de la protase et, ce, bien que ce qui le précède n’ait pas de valeur conditionnelle. Sous un habillage logique, il reconnaît en fait que les trois fā’ n’en font qu’un, ayant une même distribution/fonction (mawqi‘). Celle-ci est facilement reformulable dans les termes de la « théorie de l’énonciation » du linguiste suisse Charles Bally (1865-1947) : fa- est un segmentateur, délimitant le thème (phrase, proposition ou syntagme) du propos de l’énoncé.