Alice De Georges-Métral (dir.). Poétiques du descriptif dans le roman français du XIXe siècle

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15 décembre 2015

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Alice de Georges, « Alice De Georges-Métral (dir.). Poétiques du descriptif dans le roman français du XIXe siècle », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.p1wfjl


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Classiques Garnier, 2015, Série Études dix-neuviémistes, n° 30Broché, ISBN 978-2-8124-5083-9, 39 € / Relié, ISBN 978-2-8124-5084-6, 78 €La description dans le roman du XIXe siècle s’est vue bien souvent éreintée par la critique contemporaine. Fidèles en ce sens à la tradition rhétorique, les exégètes considéraient cet objet littéraire comme une pause dans le récit ou comme un simple morceau de bravoure. Depuis quelques décennies cependant, ses richesses sémiotiques et ses interactions avec le récit ont conduit la critique à en réévaluer la fonction. Elle interroge le phénomène du descriptif, tel que l’entendent Michaël Riffaterre1 et Philippe Hamon, à partir de ses modalités de représentation, ses configurations, sa capacité à s’approprier les atouts des arts visuels. Elle l’envisage aussi comme discours muet lorsqu’il parvient à inscrire une éthique, des valeurs ou des récits sous-jacents que l’herméneute seul peut décrypter. Installées au croisement du discursif et du pictural, ces fonctions revêtent une importance centrale aux yeux de certains romanciers du XIXe siècle. Conçue comme une peinture en deux strates, la description romanesque se donne pour ambition, selon Flaubert, de « faire des tableaux, montrer la nature telle qu’elle est, mais des tableaux complets, peindre le dessous et le dessus2 ». Chaque « détail est indice, symptôme, permettant sens et interprétation3 », si bien que le lecteur est conduit à son tour à une double lecture convoquant la perception de l’objet décrit et son interprétation. « Descriptif/décryptif, explique Philippe Hamon, [paraissent] fonctionner comme deux tendances, deux pôles opposés, mais pas forcément antinomiques, […] de l’attitude “réaliste” : un réalisme “horizontal” encyclopédique […] qui vise à l’inventaire exhaustif des surfaces […], et un réalisme “vertical” qui pense que le réel est caché sous la surface, est à décrypter pour être mis à jour4. » Les catégories ornementale, expressive et représentative de la description5 s’interpénètrent harmonieusement pour que la peinture se fasse « poésie muette »6. Le descriptif est ainsi une « une grammaire narrative implicite » qui « se double d’une fonction narrative seconde » ; c’« est en fait un micro-récit7 ». À partir des probabilités matricielles qu’il propose, il déploie souvent des contrefictions consistant « à ouvrir dans le récit une branche narrative qui n’accède pas au statut de fait avéré8 ». Un véritable feuilleté énonciatif se fait jour enfin, lorsqu’un objet décrit est construit selon différents points de vue qui se complètent ou entrent en collision. Forme oblique de discours, le point de vue est une « parole infraverbalisée9 » qui inscrit un dialogisme au cœur du référent fictionnel. La « confrontation agonique » ou « la dimension cognitive »10 des points de vue, « garde trace de l’épaisseur temporelle11 » et ontologique de l’objet. C’est ce qu’autorisent les figures de style qui, par une subtile transformation du point de vue sur l’objet représenté, conservent « une trace de ce parcours, à l’instar de l’anamorphose en peinture » car « le spectateur en se décalant récupère sur la rétine une autre forme de l’objet12 ».Ces potentialités du descriptif reposent sur le principe de sa fonction référentielle. La description, pourtant, n’a pas toujours pour finalité de représenter un référent qui lui préexiste ; elle peut aussi, au cœur même du roman, créer un effet d’hybridité générique lorsque sa fonction se fait poétique. Car parfois « c’est le son qui engendre le sens, c’est lui qui choisit les mots13 », suspendant pour un temps le cours usuel de la signification. Par la description, enfin, l’art devient « à la fois surface et symbole14 ». L’aphorisme d’Oscar Wilde redéfinit la représentation artistique dans son rapport à l’objet figuré. Si le miroir ou le tableau, dans Le Portrait de Dorian Gray, reflètent la surface d’un visage, les signes qu’ils présentent à l’herméneute sont à lire en fonction de deux perspectives. La première se présente à l’œil dans l’immédiateté du visible, la deuxième exhibe ce que le visible cache ou recèle. Les descriptions romanesques sont, au XIXe siècle, le lieu privilégié où se noue une réflexion sur la signification de l’objet dépeint. « On croit que la description peint des objets, explique Micheline Tison-Braun, alors qu’elle propose des sens15. » S’y jouent implicitement les débats idéologiques et esthétiques qui déchirèrent le siècle. Les descriptions émanant d’auteurs d’obédience positiviste ou scientiste, par exemple, n’opteront pas pour les mêmes principes esthétiques que celles de romanciers spiritualistes ou idéalistes. L’histoire des idées, de ce fait, est gravée à même la matière des objets, redéfinissant les grands axes de l’histoire littéraire du XIXe siècle. Certains liens inattendus peuvent se nouer entre des auteurs que tout oppose. Ainsi, en confrontant deux descriptions d’un même référent au sein de deux œuvres différentes, l’on peut en dégager les analogies et les divergences. Si bien que l’une des catégories rhétoriques des descriptions selon Fontanier, le parallèle, pourrait se voir revisitée lorsqu’elle ne se contente pas de confronter deux descriptions au cœur d’une seule œuvre mais entre deux œuvres distinctes. La fonction sémiosique de la description et sa sursignifiance16 en font ainsi le lieu privilégié d’une vision du monde qui excède largement la peinture du référent17. Enfin, et consécutivement à l’inscription de l’idéologie dans le texte, chaque description déploie un art poétique au cœur duquel l’auteur dialogue avec ses prédécesseurs pour s’inscrire dans une tradition esthétique tout en l’abolissant. L’éthopée de Jean Valjean est l’occasion pour Victor Hugo de définir ce lien inextricable entre le monde sensible et l’idée dont il porte les stigmates : « On ne sait pas que cet homme est un gouffre. Il est stagnant, mais profond. De temps en temps un trouble auquel on ne comprend rien se fait à sa surface. Une ride mystérieuse se plisse, puis s’évanouit, puis reparaît ; une bulle d’air monte et crève. C’est peu de choses, c’est terrible. C’est la respiration de la bête inconnue18. » Ce sont ces « rides mystérieuses », creusées à même les objets, personnages ou paysages représentés, qui se sont trouvées ici interrogées19. Table des matièresAlice De Georges-Métral, PrésentationBernard Vouilloux, Introduction. La description et le descriptif entre l’écriture romanesque et l’histoire de l’artPremière partie : La description en quête de légitimationChristof Schöch, « Intégrer ou encadrer ? Les rapports changeants entre écriture descriptive et narration, de la fin des Lumières aux années 1830 »Jean-Marie Seillan, « Écrire sans décrire. L’exception idéaliste à la fin du XIXe siècle »Christophe Reffait, « De la description comme euphémisation du savoir. La “belle fabrique de clous” de Verrières »Bertrand Marquer, « Nosographie et poétique du descriptif. L’optique clinique »Deuxième partie : Description et peintureGaël Prigent, « L’ekphrasis huysmansienne ou la description au second degré »Arnaud Vareille, « Description et totalité. La référence muséale dans Béatrix de Balzac » Rosine Galluzzo-Dafflon, « Référentialité et sursignifiance de la description zolienne dans Nana »Troisième partie : Poétiques d’auteursPascale Auraix-Jonchière, « Poétique de la description paysagère dans Contes d’une grand-mère de George Sand »Gabrielle Melison-Hirchwald, « Aux bornes du roman daudétien. Évolution de la pratique descriptive du Petit Chose à Soutien de famille à travers le motif de l’ambulation »Odile Gannier, « Du poulpe à la pieuvre. Art comparé de la description chez Michelet (La Mer), Jules Verne (Vingt mille lieues sous les mers) et Victor Hugo (Les Travailleurs de la mer) »Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, « Leurres et malheurs de la description chez Jules Verne ou l’impossible légitimation des Voyages extraordinaires »Quatrième partie : Surfaces opaques et signes confusAlain Rabatel, « Donner à voir le visible ? La vision opacifiante de Bloy dans La Femme pauvre »Alexandra Delattre, « Huysmans et la description dans Sainte Lydwine de Schiedam. L’écrivain chrétien aux prises avec le réel »Alice De Georges-Métral, « Le cœur a ses ambiguïtés que la raison ne connaît point. Poétiques du descriptif chez Barbey d’Aurevilly, Flaubert et Hugo »Nadia Fartas, « La simplicité de Félicité. Le simple et le confus »Jacques Neefs, « Conclusion. La prose vision, de Flaubert à Proust »BibliographieIndex des noms de personnagesIndex des auteursIndex des œuvresRésumés et présentation des auteursNotes de bas de page numériques :1 Philippe Hamon estime que Riffaterre « a lancé, le premier, la notion de système descriptif », Entretien avec Philippe Hamon par Guillaume Bellon, « Le Descriptif, “ce délaissé de l’impérialisme narratologique…” », http://www.revuerectoverso.com/spip.php ?article205).2 Lettre à Louise Colet, 6 avril 1853.3 Philippe Hamon, « Un discours contraint », Littérature et réalité, Paris, Éditions du Seuil, 1982, p. 160.4 Entretien avec Philippe Hamon par Guillaume Bellon, « Le Descriptif, “ce délaissé de l’impérialisme narratologique…” », http://www.revuerectoverso.com/spip.php ?article205 ).5 Lire à ce sujet Jean-Michel Adam et André Petitjean, Le Texte descriptif : Poétique historique et linguistique textuelle, Paris, Nathan, 2006 (1989).6 Plutarque explique que « Simonide appelle la peinture une poésie muette et la poésie, une peinture parlante (346 f) », De Gloria atheniensium, Presses Paris-Sorbonne, 1985, p. 113.7 Algirdas-Julien Greimas, Du sens II, Paris, Le Seuil, 1983, p. 154.8 Maxime Abolgassemi, « La description expérimentale chez Balzac et Musil », Poétique, n° 145, Paris, Le Seuil, 2006, p. 77.9 Alain Rabatel, Homo Narrans, Pour une analyse énonciative et interactionnelle du récit, Tome II, Dialogisme et polyphonie dans le récit, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, 2008, p. 350.10 Alain Rabatel, « Figures et points de vue en confrontation », Figures et points de vue, Langue française n° 160, Paris, Larousse, décembre 2008, p. 12.11 Michèle Monte, « Le jeu des points de vue dans l’oxymore : polémique ou reformulation ? », Figures et points de vue, Langue française n° 160, Paris, Larousse, décembre 2008, p. 42.12 Geneviève Salvan, « Dire décalé et sélection de point de vue dans le métalepse », Figures et points de vue, Langue française n° 160, Paris, Larousse, décembre 2008, p. 80.13 Jean-Yves Tadié, Le récit poétique, Paris, Gallimard, Tel, 1994, p. 186.14 Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray, trad. Richard Crevier, Paris, Flammarion, 1995, p. 42.15 Micheline Tison-Braun, Poétique du paysage. Essai sur le genre descriptif, Paris, Librairie A.-G. Nizet, 1980, p. 28.16 Lire à ce sujet Jean-Michel Adam. Il précise que c’est « en mettant en relation les plages descriptives et les différents niveaux textuels dont parle P. Imbert qu’apparaissent les fonctions sémiosiques de certaines descriptions dans l’économie interne d’un récit réaliste », Le Texte descriptif : Poétique historique et linguistique textuelle, Paris, Nathan, 2006 (1989), p. 48.17 Nicolas Wanlin explique que la « question est de savoir si l’on considère que la description vise un donné ou construit son objet. C’est sans doute cette alternative qui permet d’approcher l’historicité de la notion de descriptif, en particulier à l’articulation du XIXe et du XXe siècle. Outre la théorie du descriptif, il reste en effet à faire une histoire littéraire (et extra-littéraire) du descriptif ». Dans « Remarques sur les problématiques actuelles de la théorie du descriptif. En relisant Philippe Hamon », Le Descriptif, Polysèmes. Arts et littératures, articles réunis par Isabelle Alfandary et Isabelle Gadoin, n° 9, éd. Publibook, 2007, p. 181.18 Victor Hugo, Les Misérables, II, Paris, Gallimard, 1995, p. 836.19 Colloque des 23-25 mai 2013, Nice.

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