2021
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VertigO : La revue électronique en sciences de l’environnement ; vol. 21 no. 1 (2021)
© Université du Québec à Montréal et Éditions en environnement VertigO, 2021
Nathan Brison et al., « L’avenir des ressources génétiques marines au-delà des juridictions nationales : enjeux à l’aube d’un nouveau traité international », [VertigO] La revue électronique en sciences de l’environnement, ID : 10.4000/vertigo.30610
Au cours des dernières décennies, la pression exercée sur l’environnement des zones marines situées au-delà de la juridiction nationale des États (ZAJN) n’a cessé de prendre de l’ampleur. Outre l’impact déjà visible d’activités telles que la pêche en haute mer et le trafic maritime, le futur développement de plusieurs activités, notamment l’exploitation de gaz, de pétrole, des ressources minérales et des ressources génétiques, laisse craindre de potentielles graves atteintes à l’environnement des ZAJN. Face à ce constat, l’Assemblée générale des Nations-Unies (AGNU) ouvrit, le 24 décembre 2017, des négociations sur un nouveau traité pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des ZAJN. Trois ans plus tard, de nombreux observateurs de ces négociations s’interrogent quant à l’avenir des océans, pointant l’urgence environnementale face au manque d’ambition du texte négocié. Dans cet article, nous effectuons une analyse juridique du traité en cours de négociation, et plus particulièrement du régime d’accès aux ressources génétiques marines et de partage des avantages, afin de démontrer que celui-ci offre une nouvelle illustration d’un dilemme récurrent des négociations environnementales : trouver le juste milieu entre l’adoption de normes trop peu ambitieuses pour atteindre les objectifs de conservation, ou trop ambitieuses pour assurer l’adhésion des États. Or, quand il s’agit de conservation de la biodiversité, la balance des intérêts économiques et environnementaux a bien souvent penché du côté des premiers. Nous avançons que ce curseur pourrait être déplacé grâce à la gouvernance des ZAJN comme bien commun global. Cette vision globale, intersectorielle, intégrée et pluridisciplinaire permettrait d’oeuvrer non seulement à une meilleure conservation de la biodiversité marine, mais également au partage des avantages, au renforcement des capacités et au transfert de techniques plus respectueuses de l’environnement. La crise sanitaire mondiale qui a débuté en 2020 démontre l’urgence d’un changement de paradigme et d’une reconceptualisation de notre rapport à la biodiversité. Face aux limites de la stratégie réactive traditionnelle, nous plaidons pour une action systémique en amont, qui implique de repenser nos modes de gestion, d’utilisation, et de valorisation des ressources naturelles, de même que de replacer la biodiversité et les écosystèmes au coeur de nos sociétés. C’est dans cette nouvelle dynamique que devront impérativement se poursuivre, en août 2021, les négociations de l’accord portant sur les ZAJN, afin de préserver la véritable richesse de nos océans.