Philippe Sabot, « "Poïétique et politique de la traduction. Avec et d'après Wolfson" », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.pmkcvj
Notre contribution se fixe deux objectifs : celui, d’une part, de rendre compte de la place déterminante qu’ont pu occuper les opérations de traduction dans l’expérience tout à fait singulière de Louis Wolfson, telle qu’il l’a lui-même consignée dans son ouvrage Le Schizo et les langues (1970) ; celui, d’autre part, de s’interroger sur la dimension psychique, linguistique mais aussi sur la portée poïétique et politique de ces opérations en tant qu’elles définissent un certain mode d’appropriation ou de réappropriation d’une langue et de ses pouvoirs implicites par le sujet qui parle et qui pense. En un sens, reprendre l’étude du rapport délirant que Wolfson entretient avec la langue, et en l’occurrence avec sa « langue maternelle », c’est montrer la manière dont ce délire psychotique implique un certain savoir linguistique qui guide lui-même un ensemble de procédés transformationnels identifiés à une opération de traduction généralisée. Mais c’est faire aussi du profil schizo-linguistique singulier de « l’étudiant de langues schizophrénique » une caisse de résonance privilégiée pour réfléchir à la vie psychique du langage qui oeuvre dans ses constructions à première vue aberrantes et qui reconfigure l’acte de traduire en lui faisant rendre des effets inattendus, au-delà même du cas Wolfson.