11 mai 2015
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Eric Tuncq, « Législation comparée et droit colonial des engagés en Afrique (1884-1910/1913)Les voies de protection juridique et leurs modèles (État indépendant du Congo, Ausland allemand)Summum jus, summum injuria ? », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.qwhmgo
Sources et perspectives :Il s’agit ici de la communication d’un colloque non publié, organisé par le Centre International de Recherches sur les Esclavages et les post-esclavages (CIRESC) en 2015 à Bordeaux. On confronte les modèles d’exploitation économique et ceux du travail contractuel (main-d’œuvre et personnels engagés) de l’Afrique coloniale contemporaine, dans deux ensembles particulièrement controversés, à leur époque déjà et dans l’historiographie actuelle. En premier lieu, l’État Indépendant du Congo (Boma) de Léopold II, entre 1884 et 1908, dénoncé pour sa politique des « mains coupées » dans l’exploitation du caoutchouc rouge, puissance souveraine finalement transférée à la Belgique sous le nom du Congo belge, suite à la forte pression impulsée par les Britanniques ; en second, les protectorats allemands de l’Ausland (Schutzgebiete) de 1884 à 1916 (1918), perdus avec la fin du modèle militaire du Reich sous le Kaiser Wilhelm II au cours de la Première Guerre mondiale au profit des Alliés : Deutsch-Ostafrika / Tanganjika Territorium, Ruanda-Urundi compris (Daressalam), Deutsch-Südwestafrika (Windhuk), Kamerun (Buea), et la MusterKolonie du Togo (Lome) avec leur hinterland. In fine, la perspective à long terme est celle de la mise en place d’un système juridique d’inspiration européenne. Interviennent les logiques d’un droit international, emprunté aux cultures nationales dans un processus de circulation et de droit comparé. Se met ainsi en forme un corpus réglementaire sur « la main-d’œuvre aux colonies » pour chaque puissance, publié par l’Institut colonial international de Bruxelles. Véritable creuset du droit colonial, l’organisme est promu et financé par des compagnies de l’ÉIC, et son ancien gouverneur général, Camille Janssen, présidé par le duc Johann-Albrecht Herzog zu Mecklenburg, membre du Conseil colonial allemand, président de la Deutsche Kolonialgesellschaft à Potsdam, militaires, lui et son frère, dans les opérations coloniales de déportation en Afrique. L’Institut est composé de représentants des principaux pays intéressés à la colonisation jusqu’à la Russie et l’Amérique latine. Les séances se tiennent à La Haye. L’économiste et professeur au Collège de France, Paul Leroy-Beaulieu, promoteur de la colonisation française, le juriste et politiste français Joseph Chailley-Bert, sont membres titulaires. Ce dernier était le gendre du ministre français de l’Instruction publique, Paul Bert, résident général du Annam-Tonkin, mort à Hanoï et partisan de thèses racialistes. Est-ce à dire que le droit du travail aux colonies qui émerge se condamne à n’être qu’un paravent juridique, un village Potemkine ? Le portrait pénétrant quasi-psychologique du repenti Charles Lemaire, lieutenant, chef du District de l’Équateur (ÉIC), plaide en faveur d’une analyse plus contrastée de la construction du droit et de son effectivité, loin de l’image d’un simple outil de propagande. Le droit colonial qui encadre les conditions de travail est aussi concomitant du droit du travail en Europe, du constitutionalisme et des pratiques politiques démocratiques sur le vieux continent. L’analyse de cet article rejoint volontiers les recherches récentes et nuancées de l’historien Pierre-Luc Plasman (Université de Louvain) sur la politique et l’organisation de l’ÉIC, loin d’une quelconque apologie du colonialisme ou de toute naïveté devant les capacités performatives du droit.Le propos s’appuie pour l’essentiel sur l’examen d’archives de l’État Indépendant du Congo à Bruxelles (SPF-Affaires Étrangères), des archives de Tervuren (au Musée royal de l’Afrique centrale), à Aix-en-Provence (ANOM) et dans une moindre mesure sur des sources imprimées allemandes, belges, et françaises. Nous avons pu bénéficier à Paris, à l’Institut Historique Allemand, d’un atelier d’initiation à la « pratique de la paléographie allemande des XIXe et XXe siècles », i.e. aux écritures gothiques allemandes (Fraktur, Kurrent Schreibschrift), largement employées dans les sources manuscrites et imprimées jusqu’en 1941.On livre ici une approche sous une forme orale, centrée davantage sur les protectorats allemands, accompagnée du programme du colloque et de la proposition validée par le comité scientifique du CIRESC.