30 octobre 2019
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Clément Marquet, « Binaire béton : Quand les infrastructures numériques aménagent la ville », HAL-SHS : architecture, ID : 10670/1.r3yxzi
Comment la ville est-elle aménagée par et avec les technologies numériques ? Pour répondre à cette question, la thèse analyse dans un même mouvement les conséquences urbaines des infrastructures informationnelles et physiques du numérique. Elle mobilise pour cela les cadres méthodologiques et analytiques des Infrastructures Studies, de la sociologie des techniques et de l’innovation et de la sociologie des problèmes publics. D’un point de vue empirique, elle propose de faire un pas de côté vis-à-vis des grandes expérimentations médiatisées de la « ville intelligente » pour étudier des transformations plus diffuses, quotidiennes, générées par les technologies numériques. Elle se compose ainsi de deux études de cas : d’une part, elle suit un programme de développement de services connectés destinés à améliorer l’accessibilité d’un réseau de transport francilien pour les personnes à mobilité réduite, d’autre part, elle analyse l’implantation discrète de nombreux data centers à Plaine Commune, au nord de la métropole parisienne, et les troubles qui s’en sont suivis localement. Le travail d’enquête articule plusieurs observations participantes, une quarantaine d’entretiens, une revue de presse ainsi que l’analyse de documents internes aux organisations. La thèse montre comment la logique d’instantanéité, de « temps réel », généralement au centre des promesses associées à la ville numérique, réclame une disponibilité accrue des travailleur.se.s, des données et des serveurs. Ainsi, dans l’entreprise de transport, les projets d’amélioration du service voyageur par l’intermédiaire des smartphones confrontent les agents de gare au double impératif de la relation face à face et des alertes du périphérique connecté. Les données cartographiques sur lesquelles reposent les services connectés, souvent prises pour acquises, nécessitent aux organisations d’inventer des collaborations inédites pour assurer leur production et leur maintenance. Les serveurs nécessaires au fonctionnement de la société numérique sont accumulés, protégés et entretenus dans des data centers, imposants bâtiments qui se concentrent géographiquement, bouleversent les environnements où ils s’implantent, décontenancent les élu.e.s et dérangent les riverain.e.s. La logique de temps réel pèse ainsi sur l’organisation sociale et spatiale des villes, et invite à repenser le développement urbain des infrastructures numériques en termes de travail, de maintenance et d’environnement – à la différence de ceux, plus couramment mobilisés, d’imaginaires sociotechniques, de promesses d’optimisation et des modèles urbains.