2022
Cairn
Stanislav Sretenović, « Les germanophones du Banat serbe et roumain sous le regard français : des colons « alsaciens » et « lorrains » aux réfugiés, 1871-1949 », Histoire, économie & société, ID : 10670/1.rhlr4z
S’appuyant principalement sur les archives du ministère français des Affaires étrangères et de nombreuses sources imprimées, l’auteur examine les migrations et les changements identitaires d’une population germanophone de la région du Banat, qui appartenait à l’Autriche-Hongrie puis, à partir de 1918, au Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (Yougoslavie) et au Royaume de Roumanie. L’étude commence par l’analyse des travaux pionniers consacrés à cette population en France dans les années 1870 et s’achève à l’arrivée solennelle d’un premier groupe de réfugiés à Colmar en 1949. Les érudits français de la Troisième République cherchaient dans les villages « alsaciens », « lorrains » et « alsaciens-lorrains » du Banat des origines françaises, qui resurgirent vaguement chez certains germanophones dans l’immédiate après-Première Guerre mondiale. Par la suite, le plus actif fut Nikolaus Hess, un agriculteur aisé qui s’intéressa aux origines « lorraines » de trois villages du Banat serbe (Saint-Hubert, Charleville et Seultour) pour écrire un Heimatbuch, le « livre de leur petite patrie », et attira l’attention de l’archevêque de Metz, de l’État yougoslave et d’André Rosambert, professeur à l’Université de Nancy. Dans l’entre-deux-guerres, ce dernier se rendit plusieurs fois dans lesdits villages et encouragea Hess à ouvrir un musée lorrain et des cours de langue française. L’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, puis l’expulsion, par les communistes, des germanophones du Banat avec les Volksdeutsche de Yougoslavie et de Roumanie, mirent à nouveau cette population à l’épreuve. Dans une partie d’entre elles, une identité française surgit comme « stratégie de survie », en même temps que la volonté de s’installer en France. Après des hésitations, le gouvernement français décida d’accueillir sur son sol ces réfugiés du Banat en invoquant à la fois leur histoire et ses besoins de main-d’œuvre.