12 janvier 2019
Jean-Jacques Malmary, « Les édifices commerciaux du front de mer à Délos à l’époque hellénistique, Étude architecturale du Magasin des colonneset du Magasin δ « à la baignoire » », HAL-SHS : archéologie, ID : 10670/1.rja1d4
Le projet de recherche développé dans cette thèse concerne l’étude architecturale des vestiges de deux édifices du front de mer occidental à Délos, le Magasin des colonnes et le Magasin δ, dit « à la baignoire » – GD 122 a et b. Ils ont tous deux été découverts au cours des fouilles menées par A. Jardé et H. Convert en 1903 et 1904. Ces deux édifices sont insérés dans une bande de constructions longeant le rivage occidental de Délos, entre l’agora des Compétaliastes au nord et le sanctuaire des Dioscures au sud. Contrairement aux autres bâtiments des quartiers d’habitation du site, ils recèlent un grand nombre de pièces de taille exceptionnelle. Proches du rivage et ainsi pourvus de grandes pièces, ils ont de fait été identifiés par les premiers chercheurs, A. Jardé et J. Pâris notamment, à des magasins ou à des entrepôts en lien direct avec l’essor du grand commerce maritime que Délos a connu au cours de la seconde domination athénienne, entre 167 et 88 av. J.-C.La présente étude, fondée sur les deux articles inauguraux d’A. Jardé, a eu pour objet de poursuivre et d’approfondir le travail de l’auteur de sorte à mieux définir les spécificités architecturales de ces monuments et à mieux en cerner le fonctionnement et la destination.Cette étude a d’abord consisté à observer et à analyser les vestiges des deux bâtiments sans préjuger de leur destination ou de leur usage. Elle a ainsi débuté par une analyse approfondie des matériaux ayant servi à leur construction et de leurs composantes architecturales : les murs, les baies, les revêtements muraux, les colonnades et les files de poteaux, les cloisons, les planchers, les escaliers, les sols, les couvertures et leur charpente – première partie de la thèse, volume 1. Sans pour autant fournir des solutions définitives aux questions qui y ont été traitées, cette première partie a permis d’explorer plusieurs pistes de recherche relatives aux techniques de construction qui seront développées et améliorées au cours des prochaines années. Dans le cadre de la thèse, cette partie avait pour objet principal d’élaborer des outils d’analyse destinés à servir l’étude générale de l’architecture des deux magasins et celle de leur situation dans le contexte urbain et portuaire de Délos – deuxième partie de la thèse : étude particulière de chaque édifice, études de la composition et du contexte urbain, volume 2. La troisième et dernière partie de la thèse a enfin porté sur le fonctionnement et la destination des deux édifices. L’étude de ces derniers a nécessité un élargissement du point de vue à l’ensemble de Délos, en incluant dans le champ d’investigation des bâtiments dont les éléments du mobilier, la situation urbaine et les caractéristiques morphologiques sont analogues à ceux du Magasin des colonnes et du Magasin δ. Ce sont les Magasins α, β et γ, situés au sud de l’agora des Compétaliastes. Ces cinq édifices ont d’abord pu être réunis par la découverte dans chacun d’eux d’un grand sèkôma à mesure unique. La présence de ces instruments de mesure de volume, associé à l’implantation des édifices le long du rivage, a permis de mieux justifier le rôle que ces derniers ont joué dans le grand commerce maritime à Délos au tournant des iie et ier s. av. J.-C., de supposer qu’ils avaient sans doute tous eu la même destination et de clairement les différencier des autres types de bâtiment présents à Délos, les maisons déliennes notamment. Ainsi réunis, ces cinq édifices ont pu ensuite faire l’objet d’une comparaison morphologique qui a conduit à son tour à attester leur appartenance à un même type architectural. À quelques variations près, ils sont constitués des mêmes types d’espaces organisés de la même manière : une entrée principale, ouverte sur le rivage et alignée sur l’axe d’une cour centrale, un rang de pièces de façade longeant le rivage, dans lequel s’insèrent des cages d’escalier reliant directement la voie du front de mer avec l’étage, et un ensemble de pièces dans le cœur d’îlot distribuées autour de la cour et équipées de larges fenêtres. Une relation a pu ainsi être établie entre la destination probable des cinq édifices – stockage de marchandises et commerce au rez-de-chaussée et hébergement à l’étage – et leur forme architecturale. Cette relation a permis de définir un type particulier d’édifice qui a probablement abrité en son sein des activités liées non seulement au stockage des marchandises mais aussi à leur inventaire, à la mesure de leur poids ou de leur volume pour leur conditionnement, à leur achat et à leur vente et des pratiques d’ordre plus domestique telles l’hébergement des commerçants itinérants. Dans son acception moderne en langue française, le terme de « magasin » proposé par A. Jardé, s’avère toujours être le plus approprié pour désigner de tels édifices mêlant les fonctions d’entrepôt à celles de lieu de négociation commerciale et d’hébergement. Ce type d’édifice, dont plusieurs indices paraissent attester le statut locatif, semble être intimement lié à la profession d’entrepositaire, mentionnée dans les inscriptions de Délos, qui y est clairement différenciée de celle des marchands de gros et des nauclères de l’emporion.