Le style comme circonstance atténuante ou aggravante d’une censure ? Les considérations littéraires dans la mise à l’Index du Paris de Zola

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2017

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Jean-Baptiste Amadieu, « Le style comme circonstance atténuante ou aggravante d’une censure ? Les considérations littéraires dans la mise à l’Index du Paris de Zola », HAL-SHS : droit et gestion, ID : 10670/1.ro9xae


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Résumé Fr

L’analyse des qualités littéraires, dans les censures de l’Index, participe à la démonstration censoriale, en particulier pour déterminer s’il faut interdire ou non l’œuvre poursuivie. Une contradiction semble pourtant traverser le discours censorial. D’un côté, la législation canonique, par la clause dérogatoire qui autorise la lecture des œuvres obscènes mais bien écrites, fait du style une circonstance atténuante. D’un autre côté, la pratique coutumière des censeurs tend à considérer les qualités littéraires comme un moyen de séduction ; l’œuvre apparaît alors d’autant plus dangereuse et sa proscription plus justifiée. Cette apparente contradiction résulte de plusieurs facteurs se télescopant dans l’appréciation censoriale. Plusieurs distinctions s’imposent pour saisir les logiques variées qui sont à l’œuvre :1) une distinction entre le style considéré comme modèle de composition de la phrase caractérisé par « l’élégance et la propriété du discours », et les autres procédés esthétiques, comme l’art du récit, qui nouent le fond et la forme. À s’en tenir à une lecture littérale de la législation canonique, seul le premier sert de circonstance atténuante ;2) une distinction entre un public immature, aisément dupe de la manière dont un livre présente des événements, des personnages ou des idées, et un public à la foi et à la morale suffisamment solides pour ne pas se laisser abuser par les artifices rhétoriques mais capable d’apprécier le maniement de la langue pour lui-même ;3) une distinction implicite selon le type de lecture. La théologie morale envisage plusieurs types de délectations possibles lors d’une lecture : on peut se délecter de ce qui est raconté ou bien de la manière dont on le raconte (soit pour l’habileté de l’intrigue, soit pour le maniement du langage). Dans le cas d’un récit immoral ou hétérodoxe, seule la première lecture est jugé coupable ; les lecteurs capables de prendre le recul suffisant par rapport aux choses racontées pour apprécier des aspects plus formels ne sont pas jugés en danger.Les considérations littéraires varient donc d’une censure à l’autre selon les réponses qu’apportent les consulteurs aux trois questions suivantes : qui lit ? de quelle manière ? quel type de facture littéraire caractérise l’œuvre ? Les trois questions ne sont pas indépendantes, puisqu’un lecteur inexpérimenté se laisse entraîner par les procédés séduisants ou séducteurs. La censure du Paris de Zola illustre la complexité des considérations littéraires, puisqu’elle envisage plusieurs lectures possibles :-selon le type de style : la composition des phrases chez Zola témoigne de beaucoup d’impropriétés et d’inélégances qui lui ôtent toute valeur d’exemplarité linguistique et l’empêchent d’être « classique » ;-selon le type de lecteurs : les ignorants et les demi-savants s’illusionneront du propos de Zola ;-selon le type de lectures : les passages énergiques ou en apparence impartiaux exerceront une persuasion sur ces lecteurs simples.Le style revêt pleinement le statut de catégorie juridique, non pour elle-même mais en corrélation avec une autre catégorie, elle aussi d’origine extra-juridique, celle de l’influence psychologique, ou de l’incitation dans la règlementation française actuelle de l’expression publique.

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