Hyperpouvoir, hyperconscience, hyperresponsabilité : Réflexions sur Dune de Frank Herbert

Résumé Fr

Le cycle de Dune de Frank Herbert marque les esprits par son aspect épique, ses décors grandioses et le spectaculaire de ces affrontements guerriers. Toutefois, réduire Dune à un roman d’heroic fantasy serait une erreur car il s’agit aussi et surtout d’une réflexion sur le pouvoir. Cette réflexion est d’autant plus marquée qu’elle porte à dessein sur une situation hyperbolique : le pouvoir, ici, est celui de l’omniscience, de l’omnipotence et de la quasi-immortalité. Cette situation extrême nous pose la question de ce que pourraient être les cas de conscience et les choix d’un être humain devenu dieu. Comment, dans cette tension de l’hyperpouvoir, se posent les questions de la responsabilité éthique et de la valeur comparée des projets ou de futurs possibles ? Dans Dune, plusieurs figures incarnent cette réflexion : la figure collective et institutionnelle des révérendes mères et de leurs projets complexes, inscrits dans le temps long ; la figure de l’hyperconscience individuelle de Paul Atréides Muad Dib faisant le double choix du renoncement au pouvoir absolu et de l’exercice mordant de la conscience critique de celui qui alerte et sème des germes réflexifs ; la figure de Leto Atréide l’Empereur-Dieu acceptant l’hyperpuissance pour pousser l’humanité dans ses retranchements en même temps qu’il lance le défi de le confronter à sa finitude. Par ailleurs, F. Herbert travaille sur les enjeux anthropologiques les plus fondamentaux : la filiation, le sexuel, le politique, l’économique, le religieux, la création. Il le fait en questionnant à la fois les us mais aussi les abus : la manipulation, la brutalité, la domination sexuelle, etc. Vu la densité de ce travail romanesque, nous proposons ici une réflexion philosophique à portée éthique et politique.