2022
Cairn
Reiner Schürmann et al., « Le dieu inconnu », Les Études philosophiques, ID : 10670/1.sdqt62
Reiner Schürmann a été appelé « l’un des philosophes majeurs du xxe siècle » et « le continuateur peut-être le plus important d’une pensée de la mystique dans la lignée d’Eckhart et de Heidegger ». Nombre des chercheurs qui connurent Schürmann ou s’intéressent aujourd’hui à son œuvre souscriraient volontiers à de tels jugements, dans la mesure où cette œuvre déploie, comme nulle autre, les conséquences philosophiques et politiques de ce que Maître Eckhart et Heidegger appellent le délaissement ou le laisser être ( Gelassenheit). Pourtant, presque rien n’a été dévoilé des deux bornes entre lesquelles s’inscrit le cheminement personnel de Schürmann quant au délaissement : sa découverte de ce concept – ou, plus exactement, de ce mode de vie – lors de ses études auprès des dominicains du Saulchoir, et la manière dont le délaissement a pu façonner sa mort trois décennies plus tard. Ces parties précoce et tardive de son œuvre, consacrées au délaissement et à sa mise en acte, sont toutefois cruciales pour comprendre le parcours de Schürmann et donc pour apprécier ce qu’il peut aujourd’hui offrir à la pensée et à l’existence. Si, dans ses œuvres publiées, Schürmann minimise l’importance de l’expérience chrétienne du délaissement, voire critique en elle une figure dérivée et même trompeuse de la Gelassenheit, c’est bien elle qui lui a permis de s’engager sur son chemin de pensée. C’est elle aussi qui, à plus d’un titre, l’attendait au terme de son parcours, lequel apparaît alors comme un cercle faisant retour en soi.