27 juin 2022
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Pierre Niccolò Sofia, « Les perles vénitiennes dans un monde interconnecté : Étude d'un commerce global au XVIIIè siècle », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.t1jtyg
À travers l'étude de cas des perles de verre vénitiennes au XVIIIe siècle, cette thèse vise à montrer comment la spécialisation dans un produit de niche permet à un système économique méditerranéen de rester accroché aux principaux flux commerciaux internationaux de la fin de l'époque moderne. Cette thèse ambitionne donc de contribuer au débat scientifique qui, depuis quelques années, est en train de questionner l'idée de décadence de la Méditerranée à l'époque moderne, et de préciser la position de Venise dans l'économie-monde européenne du XVIIIe siècle.Cette recherche adopte une approche qui croise la macroanalyse des flux et la micro-analyse des acteurs, en utilisant des sources quantitatives vénitiennes (Registri) et étrangères (Custom books britanniques, Toflit19 pour le commerce français et la balança do comerçio portugaise) et des sources qualitatives vénitiennes issues principalement des Censori, Cinque Savi alla Mercanzia, Inquisitore alle Arti, Inquisitori di Stato, en suivant la filière des perles de verre vénitiennes au XVIIIe siècle : des phases de production jusqu'à la commercialisation, en précisant les routes, les acteurs et les marchés concernés.Cette thèse est donc divisée en trois parties. La première porte sur le contexte économique de Venise et se focalise sur le commerce du port vénitien et sur l'industrie exportatrice de la ville de Saint-Marc au XVIIIe siècle. C'est à travers cette contextualisation qu'on comprend que les perles de verre sont le fruit d'un pôle manufacturier et commercial encore riche et connecté au monde euro-méditerranéen et qu'on peut mieux évaluer l'expansion de ce secteur de la verrerie vénitienne au XVIIIe siècle.La deuxième partie étudie la filière de fabrication et l'organisation du travail du secteur des perles de verre vénitiennes, en s'interrogeant sur la compétitivité d'un système de production qui est marqué par une forte présence corporative (à savoir, les Arts de Murano, des Margariteri et des Perleri) et, en même temps, par un haut degré de flexibilité. Quatre thèmes font l'objet de cette analyse : le degré d'ouverture de la filière des perles et des métiers concernés ; la gestion des matières premières ; l'assujettissement de la main-d'œuvre aux patrons/négociants des corporations ; les espaces de travail et la position des femmes dans les deux Arts des perles. Cette partie montre que ce secteur est parfaitement adapté aux caractéristiques du commerce international du XVIIIe siècle. Une fois produites, les perles de verre vénitiennes sont exportées à l'échelle de la planète. La troisième partie analyse les routes, les acteurs qui gèrent les échanges et les marchés de ce produit au XVIIIe siècle, en se focalisant sur les deux circuits majeurs de ce commerce, celui du Ponant et celui du Levant. Dans le premier cas, l'attention est mise sur l'importance des perles pour le commerce vénitien avec l'Europe occidentale, sur la géographie des marchés, sur l'émergence des marchands-fabricants margariteri et perleri comme expéditeurs de perles et sur le lien entre le commerce occidental des perles de verre vénitiennes et la traite atlantique des esclaves. Ensuite, la focale d'analyse est déplacée vers l'Orient et plus précisément vers l'Égypte et la Syrie, étapes principales des trajets qui amènent les perles de Venise en Perse, en Inde et dans l'Afrique centre-orientale. Après avoir établi le rôle de ce produit pour le commerce vénitien au Levant, on étudie les routes, l'évolution et les marchands protagonistes de ces trafics, notamment les Juifs sont étudiés.Au final, on constate que les perles sont bien plus que de la pacotille : elles se révèlent un outil essentiel pour le commerce vénitien au XVIIIe siècle, une vraie marchandise globale qui permet à la ville de Saint-Marc de rester interconnectée aux flux commerciaux majeurs de la fin de l'époque moderne.