2002
Cairn
Gérard Ferreyrolles, « Les païens dans la stratégie argumentative de Pascal », Revue philosophique de la France et de l'étranger, ID : 10670/1.tdqb3l
Les païens dans la stratégie argumentative de Pascal, p. 21. C’est une question classique de la théologie que celle de la vertu des païens. Sur ce sujet aussi se manifeste au XVIIe siècle l’antagonisme des molinistes et des augustiniens. Le camp de Pascal ne fait aucun doute, mais on n’a pas mesuré les inflexions que sa stratégie argumentative imprime à la thématique païenne des Provinciales aux Pensées. Dans les Provinciales, non seulement la morale jésuite est exclue de la sphère éthique chrétienne, mais elle est présentée comme inférieure à la morale des païens. Or, dans les Pensées, le statut des païens semble beaucoup moins enviable : de possible référence morale aux yeux du polémiste, ils sont transformés en repoussoirs par l’apologiste, qui les exhibe en preuves historiques de la misère de l’homme sans Dieu. On ne peut cependant en demeurer à cette vision réductrice : les Pensées reconnaissent une valeur aux sentiments, aux lois, et même à la religion, des païens, et cette appréciation est lourde de conséquences métaphysiques en ce qu’elle signifie la validité de l’instance naturelle – outre qu’elle contribue à établir entre Provinciales et Pensées une continuité qui met à mal la thèse de la prétendue « rupture idéologique ».