Over mountain and vale

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20 janvier 2022

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Michaël Thévenin et al., « Over mountain and vale », Publications scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle, ID : 10670/1.u8khkg


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Résumé En Fr

We describe the pastoral life on the Northern foothills of the Lesser Caucasus and adjacent plains including the district of Gədəbəy and Şəmkir in Azerbaijan. Our main objective was to determine the types of present-day seasonal migratory movements of caprines (sheep and goats) and bovines in a remote region of western Azerbaijan. This area was traditionally involved in larger trans-national transhumant networks, before the political upheavals. We were able to observe several herding practices ranging from semi nomadism for very large herd mostly in the low lands and a rural pastoralism practised by the inhabitants of mountainous zones orchestrated by the limitations and regulation of the soviet and post-soviet era for land-use and production of domesticate herd. The idea behind this work that regrouped an ethnologist and three archaeozoologists was to create a modern isotopic baseline on bioarchaeological material originating from a selection of animals from various pastoral contexts. This will be useful for interpretation of prehistoric archaeozoological material originating from the Caucasus.

Par monts et par vaux : pratiques pastorales dans les districts de Gedebey et Semkir (sud-ouest de l’Azerbaïdjan)Une enquête ethnographique a été menée en octobre 2014 dans les districts de Gədəbəy et Şəmkir afin d’évaluer l’activité pastorale actuelle dans le sudouest de l’Azerbaïdjan. Le but de cette enquête était de construire un référentiel moderne sur les pratiques pastorales et les mobilités des troupeaux dans un contexte relativement contrôlé en vue d’applications archéozoologiques et isotopiques qui permettront de mettre en perspective les données sur la préhistoire de la mobilité pastorale en Azerbaïdjan.Dans cet article nous nous limitons à présenter la partie enquête ethnographique qui a permis de déterminer les types de mouvements migratoires saisonniers actuels des petits ruminants (moutons et chèvres) et des bovins. L’équipe de terrain était internationale et nous communiquions en français, anglais, azéri et persan.Notre recherche de type extensif, s’est déroulée du 1er au 12 octobre 2014, avec des entretiens non directifs en langue azéri, enregistrés, qui ont été effectués dans le district de Gədəbəy (ville de Gədəbəy, villages de Daryurd et Parakənd, hameaux d’estives d’alpages de Aralıq et Arxaşan), et le district de Şəmkir (pâturages et bergeries de Ceyrançöl, village d’İsgəndərli). L’objectif de l’étude était d’obtenir une analyse qualitative et comparative des données réunies sous la forme de thématiques choisies avec trois orientations principales : 1) cartographie des parcours de transhumance, 2) organisation (planning pour le traducteur) annuelle des activités pastorales, 3) documentation visuelle, linguistique et descriptive des productions d’origine animale et de la culture matérielle associée. Nous avons ainsi réalisé une enquête extensive limitée dans le temps, et pris de nombreux clichés photographiques, avec des temps d’observation très courts et avec une barrière linguistique, malgré la présence d’une azérophone parmi nous (SA) mais qui ne parlait pas le même dialecte que celui des districts de Gədəbəy et Şəmkir. En conséquence, nos résultats ne constituent en rien une norme des pratiques pastorales dans le sud-ouest de l’Azerbaïdjan, mais rendent compte plutôt des manières de faire de quelques familles telles que nous les avons observées et interprétées dans le cadre contraignant d’une courte mission de prospection.Le pastoralisme transhumant en AzerbaïdjanL’Azerbaïdjan est une terre qui se prête particulièrement à l’élevage extensif. Plus de la moitié de sa surface (56 %) est montagneuse. Les pasteurs mobiles arpentent en été les hautes chaînes de montagnes du Grand et du Petit Caucase aux climats alpins et leurs contreforts semi-arides en hiver. Les pâturages d’été sont situés au-dessus de 1700 m d’altitude et sont sollicités en moyenne entre fin mai et septembre. Ils sont estimés à 32 % des ressources en terre de l’Azerbaïdjan. Les pâturages d’hiver sont situés dans les steppes semi-arides entre 0 et 700 m d’altitude et sont pâturés en moyenne d’octobre à mai. Ils représentent 20 % de la superficie des terres.Les troupeaux transhumants sont constitués d’ovins et de bovins essentiellement, complétés par quelques caprins. Les chèvres sont utilisées à la fois comme meneuses au sein des troupeaux, mais aussi pour leur valeur esthétique notamment pour la couleur de leur robe et la forme de leurs cornes qui peuvent prendre des formes surprenantes et variées, mais aussi pour leur lait destiné à une consommation familiale, ou utilisé comme rémunération pour les bergers salariés. La chute de l’Union Soviétique, la mise en place de nouvelles frontières avec l’Arménie et la Géorgie, et la croissance économique due au pétrole et au gaz, ont joué un rôle décisif dans la mise en place des réformes sur la gestion des pâturages en Azerbaïdjan. Si quelques pâturages d’été restent sous la responsabilité des municipalités sous le régime d’accès ouvert avec accord verbal, tous les pâturages sont désormais sous contrat avec l’État. Cette politique a façonné un pastoralisme tourné vers l’économie de marché, favorisant les grands troupeaux comme dans le massif de Ceyrançöl.Le Pays d’AranEn langue azérie, le mot aran fait référence à toutes les plaines au climat chaud et sec. Les montagnards du district de Gədəbəy appellent aran la région qui borde le bassin de la Kura, et ses habitants, en particulier les éleveurs, arancı. C’est un milieu semi-aride où domine la steppe. Les éleveurs témoignent d’hivers rigoureux en moyenne tous les 7 ans qui peuvent entraîner des pertes chez les agneaux et les brebis. Enfin, le pays d’Aran au niveau du district de Şəmkir peut être découpé en 3 zones : le massif du Ceyrançöl qui se trouve sur la rive gauche de la Kura, une zone alluviale qui correspond au fond de vallée de la Kura, et une zone de piémont qui constitue le flanc nord du petit Caucase.Le massif du Ceyrançöl culmine à 800 m d’altitude sur la frontière géorgienne, avec une moyenne de 500 m d’altitude. Il est constitué d’un plateau steppique, voire semi-désertique, de terres incultes sur lesquelles ont été aménagées durant l’époque soviétique des bergeries collectives. Ces bergeries fonctionnent toujours et regroupent environ 600 brebis chacune. À côté de longs enclos en pierre de faible hauteur, se trouvent des bergeries semi-enfouies, plus petites et d’une facture plus traditionnelle. Les nomades qui possédaient sous l’administration russe à la fin du XIXe siècle leur qışlaq (terres d’hivernage) en plaine, construisaient ce type d’habitations de terre semi-enfouies adaptées aux conditions climatiques et pédologiques des plaines de la Kura en hiver, et au mode de vie d’éleveurs transhumants. Ces habitations étaient répandues dans le bassin de la Kura et la région de Gəncə..En raison de facteurs environnementaux les villages sont rares à l’intérieur du massif de Ceyrançöl. Le village d’İsgəndərli est une exception ; il est spécialisé dans la culture du trèfle et la production de fourrage pour l’hiver des troupeaux. L’exploitation de ces terres permet aux éleveurs de revenir plus tôt sur le massif au retour des alpages.Les zones alluviales et de piémont sont encadrées par le massif du Ceyrançöl et la région montagneuse du petit Caucase. C’est le bassin de la Kura et ses retenues d’eau. Elles sont littéralement découpées sur la rive droite par de multiples cours d’eau descendant des montagnes. Tout le bassin de la Kura reçoit très peu de précipitations et le régime en est torrentiel. Les lits des rivières sont donc souvent à nu. Malgré tout, dans cette zone, les cultures et les prairies de fauches prédominent grâce à l’irrigation. Quelques parcelles y ont été réservées pour les troupeaux et les bergeries collectives qui servent de pâturage au printemps et à l’automne.Durant l’enquête, nous avons rencontré un inspecteur des troupeaux à qui l’Etat azerbaidjanais a donné 60 hectares de terres pour cultiver et faire du fourrage pour les bêtes. Son troupeau revient sur les terres du massif de Ceyrançöl avant ceux des autres éleveurs parce qu’il possède des terres agricoles. Son chef berger, originaire du village de Çənlibel, aux limites du rayon de Şəmkir, garde avec deux autres bergers un troupeau de 1300 ovins et de 200 caprins. Les bergers ne reçoivent pas de salaire de l’État, mais 30% des agneaux qui naissent leur appartiennent, ce qui explique la grandeur du troupeau et l’utilisation de bergeries semi-enfouies à côté de la bergerie principale. Ici, le départ pour les yaylaq se fait autour du 5 mai en allant vers les pâturages autour de Çənlibel, village du chef berger, où il peut rester un mois entier en fonction de l’herbe disponible. Les bergers logent alors sous des tentes proches du village. Ensuite ils rejoignent les estives du mont Ağqaya (3057 m d’alt.), proche des frontières arméniennes et du rayon de Daşkəsən, qui sont allouées au village de Çənlibel. Ils y restent deux mois et demi, parfois trois.Nous avons pu croiser deux autres troupeaux du pays d’Aran. L’un avait atteint le massif du Ceyrançöl, mais n’avait pas encore rejoint sa zone d’hivernage. L’autre était aux abords de Gədəbəy. Ils mettent environ une semaine pour descendre entre Qocadağ et Ceyrançöl.Les troupeaux suivent aujourd’hui la route bitumée qui relie Şəmkir à Gədəbəy. Cet accès aux yaylaq devait être le même qu’aux époques anciennes. D’après les bergers, durant la période soviétique, la route de Gədəbəy permettait aux éleveurs azéris d’atteindre les estives du Haut-Karabagh en passant par le village de Vardenis en Arménie pour rejoindre le Dalidağ (3616 m), accès aujourd’hui fermé.Le petit CaucaseDans les districts de Şəmkir et Gədəbəy, le petit Caucase se découpe en trois zones : deux étages, montagnard et subalpin, où sont regroupés les villes et villages, et un étage alpin, où se concentrent les yaylaq avec un climat plutôt continental et humide.Les deux étages montagnard et subalpin sont une région montagneuse avec des sommets culminants par endroits à plus de 2200 m. Dans les districts de Şəmkir et Gədəbəy, les vallées de la rivière Zəyəmçay à l’Ouest, et celle de la rivière Şəmkirçay à l’Est se rejoignent pratiquement au pied des crêtes sommitales, sur le plateau du village de Parakənd (1300 m). Les villages se présentent ici comme des regroupements épars et lâches d’habitations rurales. Parfois le petit cheptel familial ovin descend en hiver sur les piémonts ou la zone alluviale de la Kura, ainsi que sur des terres louées dans le massif de Ceyrançöl.L’étage alpin se trouve essentiellement sur les crêtes frontalières à l’extrême Sud-ouest du district de Gədəbəy. Il est constitué de sommets couverts de prairies alpines de plus de 3000 m d’altitude. De l’autre côté des crêtes, c’est l’Arménie et le grand lac Sevan. Sur leurs versants nord se situent la majorité des estives des deux districts et celles que nous avons visité.Au cours de notre enquête, nous avons pu reconstituer le programme annuel global des troupeaux locaux sur la base des pratiques pastorales de deux familles des villages de Parakənd et Daryurd. Leurs vaches accompagnent les ovins et les caprins sur les estives du mont Qanlı (3020 m d’altitude) mais restent aux villages durant la saison froide. En été, celles-ci sont gardées par les villageoises, chacune s’occupant de ses bêtes, de la traite et de la fabrication du fromage. Le gros bétail paît autour des campements et ne s’éloigne pas, contrairement aux troupeaux d’ovins qui vont chercher l’herbe jusque sur les crêtes. Les moutons sont confiés à des bergers salariés issus des villages voisins durant l’année. Ici, l’agnelage s’effectue de décembre à mars environ. Les béliers ne sont pas séparés des femelles. Les campements d’estive se partagent en deux groupes de haute et de basse estives. Ils sont occupés en premier à la montée de juin jusqu’à fin août par des troupeaux ovins et bovins. Nous avons pu visiter deux basses estives : celle nommée Arxaşan pour les éleveurs du village de Daryurd et celle nommée Aralıq pour les éleveurs du village de Parakənd, située respectivement à 1825 m et 1725.La transhumance montante amène directement les bêtes vers les hautes estives fin mai-début juin. Fin août, le cheptel descend aux basses estives jusqu’au début du mois d’octobre, si les conditions le permettent. Puis, on descend de nouveau les bêtes pour les faire paître autour des villages des familles. Enfin, à la mi-octobre ou à la fin du mois, si on a les moyens de payer un berger, on envoie les bêtes dans le pays d’Aran qui y resteront les six prochains mois jusqu’au mois de mai. Pour les bêtes qui restent au village en automne et en hiver, on donne le fourrage ramassé en été. Quelquefois, de janvier à mars, et malgré la neige, les moutons sont sortis des bergeries. Nous assistons à des déplacements de troupeaux à quatre ou cinq temps avec deux ou trois étapes intermédiaires entre les pôles d’attraction estivaux et hivernaux. Les ovins de Gədəbəy peuvent rester six mois en montagne et six mois en plaine, contrairement à ceux venants des bergeries du pays d’aran qui passent quatre à cinq mois par an en montagne. Ces derniers arrivent plus tard sur les estives et partent plus tôt. Ce décalage de temps est dû aux caractéristiques de races ovines en présence. Les races de la plaine seraient moins résistantes au froid que les races de Gədəbəy que les éleveurs locaux nomment Yerli.S’agissant des campements d’estive : sur les deux campements observés, les éleveurs utilisent deux huttes : un lieu de vie, et une étable pour les bovins. Les ovins sont gardés dans des enclos à l’air libre. Des petites tables en bois plantées dans le sol font office de plan de travail pour la production fromagère. Le plan de travail, horizontal et fait de petites buches espacées, sert de pressoir lors de l’égouttage des produits et sous-produits laitiers effectué avec des pierres. La production ne reste pas sur les basses estives et est régulièrement descendue aux villages. La matière fécale animale est récupérée et vendue comme fumure dans les villages ou en plaine. Des trous d’un mètre de diamètre, derrière les tentes, sont creusés pour l’emplacement des chiens. Les huttes sont composées de mâts centraux d’environ deux mètres plantés dans le sol soutenant un toit à deux versants supporté par des barres de faîtes recouvertes de bâches en nylon bleu. À l’intérieur, les parois sont doublées de tissus.Conclusion et discussionAu terme de cette enquête, nous pouvons dessiner les contours du pastoralisme tel qu’il est pratiqué dans les districts de Şəmkir et Gədəbəy. Ici, les pratiques pastorales se partagent en deux ensembles : 1) un pastoralisme d’entrepreneurs et d’Etat, assimilé par R. Neudert à du semi-nomadisme et qui correspond à celui des grands troupeaux venant du pays d’aran (massif du Ceyrançöl, et zone alluviale de la plaine de Şəmkir) ; 2) un pastoralisme villageois du petit Caucase pratiqué par les habitants des zones montagneuses dans le cadre d’une agriculture vivrière et la production de revenus complémentaires.Dans notre cas, le cheptel ovin familial des fermiers montagnards est réuni dans un troupeau commun villageois, gardé également par des bergers salariés, qui semblent être organisés en équipes. Nous avons en effet observé une séparation de bêtes en petits troupeaux de 300 bêtes environ durant la descente des basses estives proches des villages. Les bovins sont gardés généralement par les enfants ou les femmes. Les hommes sont souvent partis travailler à Bakou dans le cadre de migrations internes rurales-urbaines. Dans le cas des troupeaux venant des plaines, ils réunissent un grand cheptel privé ou d’État, ovins (et caprins) et bovins, mélangé à quelques bêtes appartenant aux bergers, eux aussi salariés. Les estives des arancı d’İsgəndərli, de Şəmkir et des villages de piémonts (Çənlibel) sont aussi les plus reculées dans le massif (les plus proches de la frontière), alors que les pâturages d’été des villages subalpins (comme Daryurd ou Parakənd) sont situés au-dessus de ceux-ci.Les observations ethnographiques de cette enquête, concordent avec les résultats isotopiques obtenus sur les restes dentaires d’ovins et de bovins modernes collectés à Gədəbəy. Ce matériel permet de mieux comprendre les pratiques pastorales du passé et sert de référentiel pour l’interprétation des données isotopiques obtenus sur des sites archéologiques autour de la région de Gədəbəy.

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