18 septembre 2023
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Loïse Lelevé, « La « complotite », ses parodies et ses critiques : de la (mauvaise) lecture paranoïaque à l’éloge de la fiction », HAL-SHS : littérature, ID : 10.4000/elfe.5388
Les fictions qui mettent en scène des conspirations sont parfois amenées à développer une réflexion sur les pouvoirs du récit et ce qui les distingue, éthiquement et épistémiquement, des « théories » associées aux complots qu’elles représentent. Cette réflexion peut se fonder sur une exacerbation fictive du pouvoir du récit, auquel sont conférées des propriétés performatives voire démiurgiques. Notre visée est dès lors de confronter les (pseudo) propriétés démiurgiques de la fiction aux prétentions performatives des « théories du complot », à partir de deux séries de textes littéraires : dans la première, des lecteurs, ceux de « 53 jours » de G. Perec ou de La Réfutation majeure de P. Senges, choisissent de « mal » lire des récits référentiels ou fictionnels en les percevant comme des récits complotistes pour concrétiser leurs désirs ou leurs angoisses. Dans la seconde, des écrivains recourent à des techniques empruntées au storytelling pour créer, de toutes pièces, de nouveaux faits : on comparera les effets démiurgiques postulés d’un côté par les Falsificateurs d’A. Bello, dont les faussaires éponymes prétendent faire naître ex nihilo des civilisations entières par la seule force de leurs « scénarios », et de l’autre par le diptyque que forment deux récits italiens : Q de Luther Blissett, et La Q di Qomplotto de Wu Ming 1. L’auteur y revient sur le phénomène QAnon, dont les structures ressemblent étrangement au complot décrit vingt ans auparavant dans Q. L’ensemble de ce parcours aboutit à défendre l’idée que la polysémie énonciative de la fiction contemporaine du complot et son ambiguïté herméneutique permettent la production de récits ouverts, incitant le lecteur à négocier prudemment sa propre interprétation textuelle, par opposition aux récits fermés du « complotisme » ou du debunking.