La machine à gouverner : une dystopie à la naissance de l'informatique

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Le 28 décembre 1948, quelques semaines à peine après la parution du livre de Norbert Wiener, un dominicain, le Père Dubarle, publie dans le journal Le Monde, sous un titre à sensation « vers la machine à gouverner », le premier exposé consacré à la cybernétique, cette science nouvelle venue des Etats-Unis. Le texte de Dominique Dubarle constitue un document exceptionnel à plusieurs titres. Il s’agit d’abord d’un des tous premiers articles consacrés, dans la presse généraliste, aux nouveaux calculateurs produits pendant la guerre, à ce que l’on n’appelle pas encore l’informatique. L’irruption de nouvelles « machines à rassembler et à élaborer de l’information » y suscite un sentiment de fascination mêlé d’effroi. La signification de l’informatique se dégage ainsi sur le fond d’une dystopie radicale, celle d’un monde intégralement administré par le calcul, « une énorme cité mondiale où l’injustice primitive délibérée et consciente d’elle-même serait la seule condition d’un bonheur statistique des masses, monde se rendant pire que l’enfer à toute âme lucide.3 » Les nouveaux automates de calcul apparaissent ainsi comme une technique dont la signification est d’emblée politique. L’automate cybernétique n’est plus une technique nouvelle comme une autre, mais précisément cette technique qui achève la transformation de la politique en technique, en une immense « machine à gouverner » par les nombres.

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