2023
Françoise Lavocat, « Délit de fuite ?Partir ou rester en temps de peste (XVIe-XVIIIe siècle) », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.y5j54k
La récente épidémie de COVID19 a suscité une réprobation assez générale à l’égard des citadins se réfugiant à la campagne. Or, la fuite dans ce genre de circonstances a été objet de vifs débats depuis des siècles, posant la question de l’équilibre entre intérêts privés et collectifs. Dans de nombreux traités du XVIe siècle, la fuite est majoritairement plébiscitée en cas de peste (avec la répétition lancinante des trois adverbes latins, citò, « vite » pour le départ, longe, « loin » pour la destination, tarde, « tard » pour le retour). La position de plusieurs théologiens (comme Ludwig Baër ou Ludwig Lavater) est cependant ambivalente et plusieurs auteurs (comme Jacques Manget) ne sont pas favorables au départ de ceux qui exercent des charges publiques. Enfin, si l’éloignement des habitants fortunés n’est jamais vraiment contesté, celui des pauvres est plutôt proscrit. Le père Maurice de Tolon, dans Le Capucin Charitable (1662), recommande même à leur égard un confinement généralisé. Cependant, à partir de la fin du XVIe siècle, quelques voix hétérodoxes se font entendre. Contre l’immense majorité des médecins et des autorités ecclésiastiques, des auteurs comme Silvestro Fazio et Lorenzo Condio soutiennent ce qu’ils présentent eux-mêmes comme un paradoxe, afin de convaincre leurs concitoyens de renoncer à la fuite : la non contagiosité de la peste. Des motivations religieuses motivent cette prise de position, mais aussi des considérations éthiques et politiques nouvelles.