2013
Cairn
Irving Wohlfarth, « L'attendant, le venant, le pensant, l'écrivant, le lisant, le voyant, le noyant, le sauvant, le maintenant... Sur quelques types d'illumination profane chez Walter Benjamin », Revue de métaphysique et de morale, ID : 10670/1.ycuyl4
Les figures de Benjamin – oxymore, chiasme, ellipse, emploi particulier du gérondif – préfigurent la « langue universelle » également annoncée par Rimbaud dans sa lettre du voyant (1871). Les « illuminations » de l'un, largement inspirées par la Commune de Paris, et la « prose messianique » de l'autre, portée notamment par l'élan de l'URSS naissante, refondent les oppositions dominantes – raison⁄ivresse, théologie⁄matérialsme... – au nom d'une société sans classes. Or Rimbaud voit également venir « le temps des Assassins » ; et Benjamin de nouvelles exterminations du masse. La clairvoyance d'un Kafka, écrit-il à ce propos en 1938, résulte du désenchantement réciproque produit par l'interaction de deux forces inégales, la vieille mystique ruinée et la modernité ruineuse, chacune à elle seule étant inefficace et honteuse. Un essai antérieur, Sur le pouvoir mimétique , voit un désenchantement analogue – la liquidation⁄sublimation des anciens pouvoirs de clairvoyance – à l'œuvre dans la genèse du langage humain. Celui-ci aurait-t-il donc tracé la voie que l'histoire devra encore emprunter ? Cependant l'Ange de l'Histoire voit, médusé, l'innommable catastrophe du soi-disant Progrès tout entraîner dans sa Chute, surtout le langage. Comment donc résister au Capital déchaîné ? Deuil (Trauer ), lamentation (Klage ), grève (Stillstellung ), détour (Umweg ) retournement (Umkehr ), écart (Abweichung ), démantèlement (Abbau ) : autant d'affects et de gestes qui comptent pour Benjamin parmi les seules véritables réponses humaines à la honte persistante de l'humain...