« Raconter l’histoire par en bas ». Günter Grass et l’autre tribunal de la raison

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1 janvier 2022

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Volume 12 - 2022 : Varia

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Augustin Dumont, « « Raconter l’histoire par en bas ». Günter Grass et l’autre tribunal de la raison », Phantasia, ID : 10.25518/0774-7136.1473


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Comptant parmi les romans les plus fameux du XXe siècle, ayant suscité autant d’interprétations que de vocations, Le Tambour (Die Blechtrommel) de Günter Grass (paru en 1959) offre une source inépuisable de réflexions sur la responsabilité et la culpabilité du sujet moral et des collectivités, à la croisée des chemins entre éthique, esthétique et philosophie de l’histoire. En offrant une succession de « coupes transversales » dans le roman, après avoir explicité le cadre théorique de l’approche proposée, le présent article met en évidence la manière dont le recours à la forme grotesque permet à Grass de trouver le ton « juste » d’une histoire racontée « par en bas ». Justesse du ton, justesse du style, exactitude des images : le grotesque grassien entend paradoxalement dire ce qu’il en a été « vraiment » de l’histoire passée à jamais non réitérable, et ce, à même l’entreprise de prime abord antinomique d’une déformation et d’une défiguration des images. Ainsi seulement la justesse de sa vue pourra « rendre justice » de l’histoire. Le Tambour contribue à rouvrir la possibilité du jugement moral sur l’histoire, mais aussi sur la multiplicité des instanciations singulières du « faire histoire » par les sujets. L’étrange tribunal constitué, ou plutôt joué, par le récit ahurissant de la vie d’Oskar Matzerath « rend possible » – pour le dire d’une formule kantienne précisément détournée – le jugement moral, en restituant aux sujets, dont la sensibilité a été anesthésiée par la guerre, par la propagande nazie, par l’accoutumance aux dénis et aux dénégations, le pouvoir et l’obligation d’être « justes » à l’égard de « leur » histoire.

One of the most famous novels of the 20th century, and one that has given rise to as many interpretations as vocations, Günter Grass's The Tin Drum (Die Blechtrommel) (1959) offers an inexhaustible source of reflections on the responsibility and guilt of the moral subject and of collectivity, at the crossroads between ethics, aesthetics and the philosophy of history. By offering a succession of "cross-sections" in the novel, after having explained the theoretical framework of the proposed approach, the present article highlights the way in which the recourse to the grotesque form allows Grass to find the "right" tone of a story told "from below". Correctness of tone, accuracy of style and of images: the Grassian grotesque paradoxically intends to say what was "really" the case of the past history that can never be repeated, and this, within the at first sight antinomic enterprise of a deformation and disfiguration of images. Thus, only the accuracy of his view can "do justice" to history. The Tin Drum contributes to reopen the possibility of the moral judgment on the history, but also on the multiplicity of the singular instantiations of the "making history" by the subjects. The strange tribunal constituted, or rather played, by the bewildering account of Oskar Matzerath's life "makes possible" - to use a precisely diverted Kantian formula - the moral judgment, by restoring to the subjects, whose sensibility has been anaesthetized by the war, by Nazi propaganda, by the habituation to denials and denegation, the power and the obligation to be "just" with regard to "their" history.

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