20 juin 2023
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Jean Gardy Levictorieux Estimé, « Moreau de Saint-Méry et l'Apologie de la discrimination raciale: Le peuple nègre décrit aux proportions géométriques imparfaites », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.z9fopd
Un aspect important de nos recherches doctorales consiste dans le fait de constater que l'histoire s'est taillée essentiellement sur le modèle de l'homme occidental dont la civilisation se veut globalisante, cherchant progressivement à emballer les autres sociétés estimées en retard par rapport à la « grande et vraie histoire », c'est-à-dire, l'histoire du monde occidental, celle que Matthieu Renault (2018) appellerait « l'histoire officielle-blanche » qui se serait érigée en une sorte de glorification du peuple blanc, et dans laquelle, la contribution des Noirs avait jusqu'alors fait systématiquement l'objet d'occultation, de déformation, de discrimination, de banalisation, etc. Cette vision du monde occidentale est remarquée chez de nombreux philosophes et historiens, pour qui ce schéma européen serait, selon Laënnec Hurbon (2007), le prototype, digne d'être imité par les autres sociétés. Et l'analyse, par exemple, de la Description topographique…(1797), oeuvre historique de Moreau de Saint-Méry, nous permettrait de comprendre ces désaveux à l'égard du potentiel des valeurs intérieures des Nègres esclaves, nés ou venus d'Afrique. On remarque, en effet, dans l'oeuvre de cet historien, une description assez péjorative du portrait du Noir d'Afrique, pour des raisons, d'ailleurs, très peu solides. Le Noir, à ses yeux, n'est pas assez semblable avec le Blanc, ce dernier étant, pour lui, fait d'un corps imposant qui charme et touche les sens, et d'une admirable beauté qui satisfait le plaisir des yeux. Le corps du Blanc est, donc, arrangé avec une harmonie bien observée par Moreau de Saint-Méry entre certaines parties du corps, et entre les traits du visage : « nez allongé, […] cheveux moins crépus et plus susceptibles de s'étendre et d'être tressés que l'espèce de laine qui couvre en général la tête de l'Africain, […] lèvres moins grosses et traits plus réguliers que les Nègres africains », affirme, Moreau Saint-Méry (1797 : 26-55). Le problème de ces genres d'affirmations, c'est qu'elles donnent à comprendre que l'Africain, faute de ces aspects extérieurs-là (nez allongé ; lèvres moins grosses ; cheveux lisses, unies, polies, tendres ; traits réguliers ; teinte jaune affaiblie des yeux ; etc.) (Idem.), n'est forcément pas beau. Ou, en d'autres termes, le Blanc serait plus gracieux que le Nègre à cause de l'apparence physique de ce dernier dont les proportions du corps ne seraient pas absolument symétriques. Pourquoi, alors, Moreau de Saint-Méry trouve-t-il le Blanc beau et non l'Africain ? Qui est, d'ailleurs, Moreau de Saint-Méry, ou au nom de quoi cet historien s'érige-t-il en arbitre pour décider qui doit être beau ou pas ? Quelle est, en réalité, la place du rôle joué par les Noirs dans ces types de récit ? Étant donné qu'il parait fort évident de méconnaître la sphère qu'on méprise, l'importance de la place des peuples noirs dans le récit de Moreau de Saint-Méry, a-t -elle été méprisée sciemment ou par ignorance ?