23 juin 2023
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Françoise Letoublon et al., « La naissance d'un langage de l'abstraction en Grèce archaïque », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.zg9ama
Cette réflexion sur la langue et les textes grecs de l'époque archaïque vise à montrer comment la pensée abstraite, et les notions abstraites elles-mêmes-en particulier les concepts d'être, de non-être et d'infini-, se sont dégagées à partir d'usages courants, concrets de la langue grecque, connus depuis la poésie homérique : la désignation des étapes du temps au chant I de l'Iliade par des participes substantivés du verbe « être », τά τ᾽ἔόντα τά τ᾽ ἐσσόµενα πρό τ´ ἐόντα a permis à Parménide d'inventer la notion abstraite d'être en mettant le participe substantivé au singulier, τὸ ὄν ou ἐόν, et celle de non-être en lui adjoignant la négation µή. L'emploi homérique de l'adjectif ἀπείρων pour désigner la mer et le ciel comme « sans limites » pour la perception humaine avait déjà permis à Anaximandre, en substantivant l'adjectif au neutre, d'inventer la notion abstraite d'infini. Dans les deux cas, il y a continuité par rapport au formulaire homérique, mais la substantivation et surtout le passage au singulier dans le cas des Éléates implique une rupture conceptuelle capitale, le passage d'une langue poétique à une langue philosophique.