Les travailleuses du sexe face au VIH en Côte d’Ivoire : crise sanitaire ou poids de la précarité ?

Résumé 0

En Côte d’Ivoire, l’épidémie du VIH est « mixte » : la prévalence est faible en population générale mais élevée chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (19%) et plus encore chez les travailleuses du sexe (TS) (29%), selon l’Onusida en 2015. Celles-ci constituent une des populations prioritairement ciblées par les programmes de lutte contre le VIH/sida depuis 30 ans. Pendant longtemps, le focus a été mis sur la prévention via la promotion du préservatif. Dans les années 2000, en parallèle d’une utilisation croissante de cet outil par les TS, les programmes se sont ensuite concentrés sur le dépistage et le traitement des TS infectées. Depuis 2015, un nouvel outil, la prophylaxie préexposition (PrEP), est recommandé par l’OMS pour les populations à “risque substantiel” de contracter le VIH. Il doit permettre de faire face à la crise du VIH, en complément du préservatif qui n’a pas suffi à enrayer l’épidémie. Mais d’où vient la vulnérabilité au VIH des TS ? Cette communication s’appuiera sur des données qualitatives et quantitatives du projet Princesse (ANRS 12381), une intervention en santé sexuelle et reproductive (SSR), en analysant les trajectoires sociales, relationnelles et migratoires des TS afin de comprendre les mécanismes d’exposition au VIH. Leur exposition est en réalité liée à de multiples vulnérabilités. Les TS n’utilisent pas toujours de préservatif dans diverses situations, notamment avec leurs partenaires réguliers, avec des clients les agressant ou payant davantage d’argent pour un rapport non protégé ; leur faible pouvoir de négociation s’inscrit dans un contexte de domination où le plaisir masculin prime. A ces vulnérabilités de genre s’ajoutent les vulnérabilités matérielles liées à leurs conditions de travail (précarité des lieux, illégalité de l’activité). Leur mobilité importante pour contourner leur marginalisation sociale est également un facteur de fragilisation. Ainsi, l’infection à VIH n’est pas une crise sanitaire uniquement liée à la nature même de leur activité, mais aussi aux conditions dans lesquelles elles l’exercent, et donc à un contexte de précarité plus global. De plus, s’ajoutent à cela de nombreux autres besoins en SSR, les rapports non protégés les exposant également à différentes infections sexuellement transmissibles et aux grossesses non désirées ; elles connaissent différents obstacles à leur accès aux soins, en raison notamment de la stigmatisation qu’elles subissent. Il convient donc d’inclure la prévention du VIH dans l’ensemble des soins en SSR, pour enrayer l’épidémie tout en répondant à de multiples besoins sanitaires.

document thumbnail

Par les mêmes auteurs

Sur les mêmes sujets

Exporter en