2020
Pierre Larcher, « « ‟Et Allah apprit à Adam tous les noms…” (Cor. 2, 31). L’origine du langage dans la pensée islamique » », HAL-SHS : histoire des religions, ID : 10670/1.zrjzt0
La question de l’origine du langage constitue une des pages les plus célèbres de ce qu’on devrait appeler la « théolinguistique » islamique. Elle est en effet conditionnée par Cor. 2, 31 « Et il [i.e. Allah] apprit à Adam tous les noms ». C’est lui qui détermine l’alternative islamique, très différente de l’alternative grecque : non pas par institution (thései) ou par nature (phusei), mais par institution, divine ou humaine. En nous basant sur le Muzhir de Suyūṭī (m. 911/1505) nous présentons d’abord la « thèse théologique », exposée par Ibn Fāris (m. 395/1004) dans le Ṣāhibī. Appelée tawqīf (« arrêt » divin), elle est fondée sur l’interprétation littérale de Cor. 2, 31. Elle a pour contraire la thèse du iṣṭilāḥ (« convention » humaine), attribuée aux Mu‘tazilites. Nous montrons ensuite que le grammairien muta‘zilite Ibn Ǧinnī (m. 392/1002) « louvoie » en fait entre ces deux positions, se ralliant à une position intermédiaire et n’excluant pas l’hypothèse naturaliste. Nous suggérons enfin que la question de l’origine du langage, en se focalisant sur l’idée d’institution, peut être à l’origine de la discipline scolastique du ‘ilm al-waḍ‘, qui est une véritable sémiotique.