« Dans les rues, on ne voit que des musulmans ! » : Esclavage délié et appartenance urbaine en Méditerranée espagnole aux xviie et xviiie siècles

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2024

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Thomas Glesener et al., « « Dans les rues, on ne voit que des musulmans ! » : Esclavage délié et appartenance urbaine en Méditerranée espagnole aux xviie et xviiie siècles », Annales. Histoire, Sciences Sociales, ID : 10670/1.zuqcol


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En 1717, une plainte anonyme adressée au roi d’Espagne s’alarmait du nombre excessif de musulmans vivant à Carthagène (Murcie). Cette supplique déclencha une enquête du Conseil de Castille destinée à recenser les musulmans et à clarifier leur statut. Outre les esclaves des galères royales, l’enquête pointa tout particulièrement les libertinos, une catégorie méconnue d’esclaves privés résidant et travaillant librement dans la ville tout en étant lourdement endettés vis-à-vis de leurs maîtres en raison des sommes dues pour leur propre rachat. Cet article reconstitue la condition de ces esclaves déliés de leurs maisonnées et met au jour les tensions qu’elle suscita entre des normativités concurrentes. D’une part, le droit des esclaves à travailler pour financer leur affranchissement, tout comme celui des maîtres à vivre des rentes placées sur ces personnes étaient profondément ancrés dans les coutumes locales. D’autre part, en raison de l’augmentation de l’insécurité le long des côtes, les autorités locales et la couronne œuvrèrent à restreindre cet enchevêtrement de droits en obligeant les maîtres à garder leurs esclaves chez eux. Ce conflit entre des régimes d’esclavage différents, l’un inscrit dans les droits locaux, l’autre adossé à la juridiction royale, eut pour enjeu l’accès des esclaves au marché du travail, à la libre résidence ou encore aux protections dispensées par le droit des contrats. En faisant de l’enquête elle-même le nœud problématique de la recherche, cet article interroge le sens d’une procédure qui, en recensant les esclaves, procédait moins à un dénombrement démographique, qu’à une redistribution des droits de cité entre des habitants musulmans.

In 1717, an anonymous petition to the King of Spain expressed concern about the excessive number of Muslims living in Cartagena (Murcia). This complaint prompted the Council of Castile to launch a survey of the Muslim population with the aim of clarifying their status. In addition to galley slaves, the inquiry focused in particular on libertinos, a little-known category of slaves who lived and worked freely in the city but were heavily indebted to their masters because of the sums owed for their ransom. This article reconstructs the condition of these unbound slaves, who lived apart from their masters’ households, and the tensions this provoked between competing systems of norms. On the one hand, the right of slaves to work to finance their own redemption, and that of their masters to live off the rents imposed on them, were deeply rooted in local custom. On the other, rising insecurity along the coast prompted local authorities and the Crown to restrict these overlapping rights by forcing masters to keep their slaves at home. At stake in this conflict between different slavery regimes, the one based on local law and the other on royal jurisdiction, were slaves’ access to the labor market and their right to free residency and the protections afforded by contract law. Finally, by placing the inquiry itself at the heart of the study, the article investigates the meaning of a procedure that was less a demographic enumeration of slaves than a redistribution of rights to the city among its Muslim inhabitants.

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