J’ai eu 25 ans en Bretagne sud. À plusieurs encablures de Brocéliande, là où la Loire se jette dans l’océan (Atlantique...). Et un beau jour, dans une clinique tout ce qu’il y a de plus catholique évidemment baptisée Catherine de Sienne, à 15 ans et des poussières de l’âge canonique, je me suis vu signifier que mon avenir était possiblement compromis à cause d’une maladie qui se terminait en «ome». Les maladies qui se terminent en «ome» sont souvent des saloperies. Mon lymphome faisait encore/déjà partie du lot il y a 27 ans de cela. Depuis ce temps là, j’adore vieillir : ce que le commun, voire la commune, des mortels et des mortelles, a du mal à saisir je le conçois. Mon site est totalement biaisé par ce regard singulier sur les choses, quelque chose comme un survivor eye. Encore un truc intraduisible genre empowerment, agency, qui en dit long sur les limites du all in french. Je traduis donc mais de manière très prosaïque et finalement très loin du sens actuel de la catégorie « survivor » dans le cancer business américain. Un cancer OK, et après? Au-delà du biologique c’est quoi? Ça engage quoi ? En fait, il sera ici question de santé et de médecine. Le cancer ne sera comme toujours que ce prétexte dont j’ai fait mon métier.
Le dimanche 7 octobre, Twitter a attiré mon attention – en plein mois rose, comme chacun sait désormais dédié au cancer du sein, mois où j’évite ici tout commentaire sur le sujet – Twitter donc attire mon attention sur l’organisation d’une course qui avait eu lieu la veille. À travers les 3 messages...
J’ai connu la colombienne, la chinoise et même – je l’avais oubliée mais ce billet me le rappelle – la lisboète au début des années 90. Depuis 5 jours, j’expérimente la brésilienne. Elles ont toutes suivi le même chemin. D’abord, un rhume provenant généralement d’écarts de températures substantiels...
Un samedi soir, à Caen, dans une cave que j’aime bien, faisant mes emplettes en vue de futures agapes d’anniversaire. Je retrouve là, par le plus grand des hasards, un ami que je n’avais pas vu depuis au moins 3 ans et qui est prof au CHU de cette bonne ville de Basse-Normandie. Il y a 5 ans, il m’...
Je l’ai appris tardivement : ma collègue Sophia Rosman est décédée le 27 décembre dernier. Et je relaie cette très triste information au cas où d’autres que moi, proches par le cœur et la pensée de Sophia mais éloignés par les contingences ordinaires de la distance physique, n’auraient pas encore eu...
Longtemps j’ai écrit pour mes pairs. En espérant toutefois que mes propos viendraient aux oreilles des autorités et des personnes malades qui faisaient l’objet de mes attentions académiques. Le fait de travailler dans le domaine de la santé suscite tout le temps des sollicitations qui dépassent larg...
Quand tout va bien, c’est léger, un corps. Je veux dire qu’on n’y pense pas, qu’il ne pèse rien, qu’il ne se fait pas remarquer, qu’il est là, faisant son travail de corps dans une sorte de silence et d’invisibilité. Ça vaut pour le nôtre comme pour celui d’autrui. En plus, dans nos contrées europée...
Sur le chemin de l’hôpital, aller ou retour, je porte des sacs, plusieurs sacs. J’ai l’impression que ma vie se fait avec ces sacs en ce moment. Je sais qu’un jour je vais les déposer mais pour le moment je vis avec ces sacs. Les femmes que je croise à l’hôpital portent aussi des sacs, les femmes, o...
Quand le monde marche sur la tête et que la vie est bouleversée, les itinéraires, ces lignes tracées sur lesquelles il suffit de mettre un pied devant l’autre et de recommencer, apportent une sorte de douce sécurité. Il y a des itinéraires à l’intérieur de l’hôpital (la fameuse ligne verte, devenue...
À l’hôpital, il y a des phrases. Comme les marins chez Audiard, mais le snobisme en moins, les gens qui soignent font des phrases, un peu comme Monsieur Jourdain cependant, à leur insu. Ce sont un peu des Jourdain d’Audiard. Alors évidemment, entendre les énoncés, c’est un peu le métier, voire l’ob...
Pour Elsa De même qu’il y a peu voire pas d’écrits sur les « accompagnant.e.s », selon le mot utilisé par L., qui vient enrichir le lexique désignant celleux qui sont à côté du malade, de manière plus ronde et douce que proches ou aidants, il existe peu d’écrits, travaux ou témoignages, sur la réédu...
À la question de savoir si le.a malade dans le coma, artificiel ou non, entend ce qu’on lui dit, il n’existe pas de réponse. Ou plutôt il y en a tellement que leur multiplicité me semble annuler toute idée un peu claire qu’on pourrait avoir de la question. Certain.e.s médecins disent que les dormeur...
À cette question qui intéresse tant Marie Ménoret, « qu’est-ce qu’on fait pour le malade dans les services de soins intensifs ou de réa, ou ailleurs ? », les soignant.e.s ont parfois donné des réponses en me mettant sans prévenir dans une position de « soignante ». Je dis bien « une position de » et...
Afriques : comment ça va avec la douleur ?, c’est le titre d’un documentaire de Raymond Depardon sorti en 1996. C’est une formule de salut, ou d’entrée en matière, qu’il a souvent reçue dans ses voyages à travers le continent. Elle m’est revenue à la lecture du dernier livre de Ruwen Ogien, Mes mil...
C’est un hématome. Un hématome, un bleu, quoi ? Oui, comme un bleu. Au tout début c’était le mot qui dominait dans les discours des médecins, hématome. Quand on ne connaît pas bien la neurologie, ce qui doit concerner pas mal de gens, c’est étrange d’imaginer un hématome dans le cerveau. Et puis à f...
Il y a deux mois, un embrouillamini de vaisseaux qui préparaient leur coup depuis plus de cinquante ans se sont rompus dans le cerveau de la personne avec qui je vis. La rupture de cette "MAV", comme disent les neurologues (malformation artério-veineuse cérébrale), a fait de moi, quoi ? qui ? justem...
Un faux ami tel qu’on me l’a enseigné dans mes petites classes, c’est un mot qui ressemble à un autre et donc à un sens qu’on aurait envie de lui attribuer spontanément mais qui pourtant n’a rien à voir avec lui. Les faux-amis se repèrent communément dans des langues étrangères l’une à l’autre. Un e...
L’actualité récente met l’accent sur une technique à laquelle nous nous soumettons régulièrement sans toujours en mesurer les effets de distinction et de séparation. Hier, la ministre de la Santé a annoncé que le questionnaire qui, à ce jour, organise le tri des donneurs de sang allait être modifié...
Le 9 février dernier, j’ai posté un billet sur l’incomparable site de La Maison Réflexive dont j’ai été locataire un mois. J’avais oublié de le mentionner ici mais voilà : c’est fait. Il s’agit d’un post qui traite de la façon dont on fait son coming out lorsque l’on tombe amoureux et -(mais??)- qu’...
Ça va mieux en le disant. La biologie et la médecine, domaines de savoirs qui traitent particulièrement du corps sexué, relèvent assurément de connaissances situées, c’est-à-dire liées au temps et au lieu de leur production, comme l’écrivait Haraway en 1988. Les recherches, menées dans le domaine tr...
On me dit que le paquet de cigarettes va devenir – je cite – « neutre ». Que notre Président a lui-même pris cette décision. Neutre, cela signifiera demain un paquet tout blanc, sans marque et avec des inscriptions de mauvais augure. Genre tumeur et autres spectres de "fumer tue". Je rentre de Londr...
Une fois n’est pas coutume, on va parler argent aujourd’hui. Dans l’enquête que je mène actuellement, je rencontre beaucoup de personnes qui, ayant eu un cancer il y a plus de 10 ans, rencontrent d’énormes difficultés à convaincre leur banquier (et leur assureur de crédit) qu’ils sont tout aussi sol...
Dans une interview accordée récemment à l’Express, Catherine Hill, qui est épidémio à l’IGR, dit des choses très sensées. Selon elle, une femme qui refuse le dépistage est beaucoup moins déraisonnable qu’une autre qui continue de fumer. Depuis quelques jours, les blogs dédiés frémissent de points de...
Décidément, les effets secondaires du dernier Plan Cancer n’en finissent pas de m’aiguillonner la plume. (Vous avez un accès au plan à cette adresse http://www.e-cancer.fr/le-plan-cancer) Or donc, aujourd’hui, l’interdépendance qui lie médecins et malades conduit les uns à collaborer avec les autre...
Le narcissisme monoglotte des français, comme disait Foucault, les engage souvent à penser que ce sont eux qui ont découvert le champ de problèmes dans lequel ils s’épanouissent subitement. Les choses sont parfois un peu plus complexes. Il suffit d’aller lire nos collègues étrangers pour s’en assure...
L’essor des maladies dites chroniques n’a cessé, depuis la seconde guerre mondiale, de bouleverser les pratiques de traitement, notamment sociologique, de ces nombreuses affections. L’impact de ces conditions chroniques sur la santé publique – au cœur des travaux d’Anselm Strauss – produit depuis qu...