1996
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Trinitat Pradell et al., « Altérations de céramiques en milieu marin : les amphores de l'épave romaine de la Madrague de Giens (Var) », ArchéoSciences, revue d'Archéométrie, ID : 10.3406/arsci.1996.936
Les amphores produites dans l'atelier de Canneto (Latium) et retrouvées sur le site de la Madrague de Giens (un navire ayant fait naufrage sur la côte, à hauteur de Hyères en France, au 1er siècle avant notre ère) ont été altérées par l'eau de mer qui y produisit des transformations chimiques et minéral ogiques. Une partie de la cargaison fut recouverte de sédiments, tandis qu'une autre partie demeurait dans l'eau en renouvellement constant. Aussi les amphores de ces deux milieux présentent- elles des différences d'aspect visuel, ainsi que des altérations chimiques et minéralogiques également différentes. Les céramiques retrouvées dans la zone d'agitation de l'eau de mer montrent dans leurs tranches externes un enrichissement important en Mg, sous forme d'hydrotalcite, et une perte en K, ainsi que des incrustations à leur surface, constituées d'aragonite et calcite magnésienne. Les céramiques retrouvées dans la zone d'enfouissement sont devenues noires par suite de la transformation de l'hématite en pyrite, et du gypse a été observé à leur surface, mais, du point de vue chimique, aucune modification importante de la composition n'a été constatée. Elles présentent encore des fissures remplies de cristallisations qui se révélèrent être des aiguilles de calcite et d'aragonite (d'environ 1 mm) et de concrétions sphéroïdales de carbonates de Mg, K et Al (d'environ 20 microns) tapissant les parois. On y rencontre également, mais plus rarement, des cristaux de barytine. Il existe donc deux mécanismes principaux d'altération : la formation de carbonates et la précipitation de sulfates et sulfures. Ca est fourni par les organismes incrustants, Al et K provient du corps de la céramique, tandis que Mg et S sont des constituants de l'eau de mer. Les phases mal cristallisées de la céramique ont été transformées en carbonates complexes de Ca, K, Al et Mg, soit par un processus inorganique (par suite des conditions fortement alcalines résultant de la dissolution de la calcite dans la zone d'agitation, soit par un processus organique (par action des bactéries desulfuvio ou streptococcus) dans la zone d'enfouissement Les carbonates de potassium sont solubles et sont donc dissous rapidement dans la zone d'agitation, ce qui amène la lixiviation de K. Au contraire, les carbonates de Mg et Al (hydrotalcite) sont insolubles, ce qui entraîne une fixation de Mg venant de la mer. La dissolution de la calcite n'affecte pas la composition chimique de la céramique car les carbonates de Ca sont fournis par l'encroûtement calcaire. Dans la zone d'enfouissement, le processus est localisé à l'intérieur des fissures de la céramique où les bactéries transforment le corps de la céramique en carbonates et où ceux-ci précipitent par suite de la sursaturation de l'eau contenue dans les fissures. La présence de sulfates peut s'expliquer par les conditions alcalines qui régnent dans l'eau de mer, mais dans la zone d'enfouissement (où l'eau de mer n'est pas renouvelée) - (SO.)2' et S+ peuvent coexister par suite de la dismutation du thiosulfate. Dans ces conditions la respiration anaérobie des bactéries provoque la réduction de Fe3* en Fe2+, et la formation de pyrite, conduisant de ce fait à la présence simultanée de sulfates et de sulfures.